La Banque centrale européenne a donné mercredi son feu vert à un projet pluriannuel visant à créer une version numérique de l'euro.

Équivalent électronique des billets et des pièces, l'euro numérique sera probablement un portefeuille numérique que les citoyens de la zone euro pourront conserver à la BCE.

Ce projet s'inscrit dans le cadre de la volonté des banques centrales de répondre à la demande croissante de moyens de paiement électroniques et de faire face à l'essor des monnaies numériques du secteur privé, du bitcoin au Diem proposé par Facebook.

Voici ce que nous savons à ce jour :

QU'EST-CE QU'UN EURO NUMÉRIQUE ?

Il s'agit d'un moyen de paiement qui confère à son détenteur une créance sur la BCE, comme les billets de banque et les pièces, mais sous forme numérique.

Il ressemblera probablement à un compte bancaire en ligne ou à un portefeuille numérique détenu directement auprès de la BCE plutôt que dans un établissement commercial.

Il s'agit d'une différence fondamentale car la BCE ne peut pas manquer d'euros, ce qui rend sa monnaie numérique intrinsèquement plus sûre que n'importe quelle contrepartie du secteur privé.

PUIS-JE DONC CONVERTIR TOUTES MES ÉCONOMIES EN EUROS NUMÉRIQUES ?

Très probablement pas. La BCE sait que la sécurité de son portefeuille numérique pourrait le rendre si attrayant qu'il évincerait les banques commerciales. Elle fixera donc un plafond au nombre d'euros numériques que les particuliers peuvent posséder - disons 3 000 euros (3 540 dollars) - ou appliquera un taux de pénalité sur les avoirs dépassant un certain montant.

QUEL EST DONC L'INTÉRÊT DE L'EURO NUMÉRIQUE ?

La BCE ne veut pas laisser les paiements numériques au secteur privé, en particulier si l'utilisation des espèces physiques commence à diminuer, comme c'est le cas en Suède.

Elle s'inquiète du fait que les plus grands fournisseurs de services de paiement de la zone euro, tels que Visa et Mastercard, viennent de l'extérieur de l'Union, et de l'utilisation que font les entreprises privées des données relatives aux transactions.

Les travaux sur un euro numérique se sont accélérés après que Facebook a dévoilé son projet de créer sa propre monnaie en 2019, une menace potentielle pour le cœur de métier des banques centrales.

COMMENT FAIRE POUR OUVRIR UN COMPTE DANS UNE BANQUE CENTRALE ?

La BCE a indiqué qu'elle laisserait cela aux banques et à certaines fintechs réglementées, qui proposeraient alors des portefeuilles numériques en euros aux clients en son nom.

LES EUROS NUMÉRIQUES PEUVENT-ILS ÊTRE DÉPENSÉS DE MANIÈRE ANONYME, HORS LIGNE, COMME DES ESPÈCES ?

Seulement pour les petits paiements, probablement inférieurs à une centaine d'euros, via des appareils connectés par Blootooth ou par communication en champ proche. La BCE doit trouver un équilibre entre le respect de la vie privée et la lutte contre le blanchiment d'argent et l'évasion fiscale.

QUAND POUVONS-NOUS ESPÉRER DÉPENSER NOTRE PREMIER EURO NUMÉRIQUE ?

Pas avant les cinq prochaines années environ. La BCE s'est donné deux ans pour finaliser la conception de l'euro numérique. Après cela, il devra être ratifié par son conseil des gouverneurs.

S'il est approuvé, la BCE travaillera à sa mise en œuvre pendant encore trois ans avant son lancement. Elle cherchera également à obtenir des modifications législatives, car l'euro numérique n'était pas prévu par les traités de l'UE.

L'ARGENT LIQUIDE CESSERA-T-IL ALORS D'EXISTER ?

La BCE affirme que l'euro numérique viendra compléter, et non remplacer, les espèces. L'argent liquide représentait 73 % de tous les paiements aux points de vente dans la zone euro en 2019, selon une enquête de la BCE.

Mais certains critiques s'inquiètent que la BCE puisse un jour mettre l'argent liquide à la retraite et utiliser l'euro numérique pour mettre en œuvre des mesures de politique monétaire agressives, telles que des taux d'intérêt négatifs sur les dépôts des ménages ou des transferts directs en espèces.

L'EURO NUMÉRIQUE UTILISERA-T-IL LA BLOCKCHAIN ?

L'utilisation de la seule blockchain, la technologie du grand livre distribué (DLT) qui alimente les cryptomonnaies, est une option, mais pas la plus puissante en termes de transactions par seconde.

La BCE a expérimenté l'utilisation de son propre système de paiement instantané en combinaison avec la DLT pour émettre et distribuer des euros numériques, trouvant que cela facilitait la programmabilité.

SERA-T-IL DISPONIBLE EN DEHORS DE LA ZONE EURO ?

Trois mille euros, c'est beaucoup d'argent pour les ménages des pays les plus pauvres, y compris certains pays voisins de l'UE. En mettant l'euro numérique à la disposition des habitants de ces pays, on risque donc d'aspirer les dépôts des banques locales.

Toutefois, si d'autres banques centrales lancent des monnaies numériques, les paiements à destination et en provenance de la zone euro pourraient devenir moins chers et plus sûrs. (1 dollar = 0,8467 euro) (Reportage de Francesco Canepa ; Montage de Mark Potter et Alison Williams)