Dans ce qui sera sa première apparition publique depuis que le conseil de l'entreprise allemande a prolongé le mois dernier son contrat d'un nombre d'années inférieur à ce qui était prévu, Dieter Zetsche s'efforcera de démontrer que le modèle compact CLA est la solution pour mettre fin aux sous-performances chroniques de Daimler dans le segment des petites voitures.

L'actuel président du directoire de la société, âgé de 59 ans, sait que Daimler doit réduire l'écart avec BMW et Audi (groupe Volkswagen), ses deux concurrents directs dans le haut de gamme, aussi bien en Chine que sur le marché des modèles compacts.

"Remettre de l'ordre en Chine est essentiel et Mercedes doit également attirer une clientèle plus jeune -ce qui rend de nouveaux modèles comme le CLA si importants", a noté Michael Tyndall, analyste chez Barclays.

"Le tout est de savoir si la direction a le mandat et les moyens pour saisir les opportunités."

Le compact CLA, qui sera dévoilé mardi lors de la première des deux journées presse du salon de Genève, sera une mise à l'épreuve de la capacité de Mercedes de se défaire d'une image de marque plutôt vieillotte, jugée partiellement responsable de la perte de parts de marché au détriment de BMW et d'Audi.

Le 21 février, le conseil de surveillance de Daimler a réduit à trois années le prochain mandat de Dieter Zetsche, au lieu des cinq attendus, tout en invertissant les rôles de deux dirigeants du groupe susceptibles de le remplacer à la tête du directoire.

Andreas Renschler, qui dirige actuellement l'activité poids lourds du groupe et Wolfgang Bernhard, à la tête de la production et des achats, vont en effet échanger leurs fonctions.

Selon les propos de Manfred Bischoff, président du conseil de surveillance du groupe, ce jeu de chaises musicales devrait permettre aux deux hommes de faire étalage de leur potentiel, ce qui a alimenté les spéculations autour de la succession de Dieter Zetsche.

LA QUESTION CHINOISE

Depuis qu'il a été nommé président du directoire de Daimler il y a sept ans, l'action de la société n'a augmenté que de 6% alors que sur la même période, le titre BMW a progressé de 87% et que l'action Volkswagen a été multipliée par cinq.

Les objectifs de résultats ont régulièrement été abandonnés sous son règne, Mercedes éprouvant des difficultés à afficher la même efficacité que ses rivaux aussi bien dans les petites voitures qu'en Chine.

Daimler a publié début février un bénéfice d'exploitation (Ebit) de ses activités poursuivies en baisse de 10% à 8,1 milliards d'euros pour l'année 2012, tout en disant anticiper pour cette année une stabilité de ses résultats.

Le groupe doit se remettre d'erreurs passées en Chine, où le marché des voitures haut de gamme devrait bientôt dépasser celui des Etats-Unis et atteindre 2,7 millions d'exemplaires d'ici 2020.

Mercedes a pâti l'an dernier de la concurrence entre ses deux distributeurs en Chine, qui ont mené des campagnes publicitaires concurrentes tout en cassant les prix sur des modèles, dont la Classe S.

A la fin de 2012, Dieter Zetsche a nommé un responsable pour coiffer les opérations chinoises, annonçant dans la foulée la fusion des deux distributeurs plus d'un an après que le problème a été porté à sa connaissance.

"Ce sera plus difficile de se remettre des dégâts du côté de la demande. La marque a perdu de son éclat et les baisses des prix de la Classe S a fait du tort à l'image de la voiture auprès des consommateurs", a déclaré Max Warburton, analyste chez Bernstein.

Sur les quatre mois à fin janvier, Mercedes a ouvert 22 points de vente en Chine, selon des données de Morgan Stanley, contre 45 pour BMW. Ce dernier a désormais un réseau de concessionnaires de 343 dans le pays, 101 de plus que Daimler.

Le constructeur "prend encore du retard (...) malgré ses affirmations disant qu'il avait accéléré le développement de son réseau commercial (en Chine)", a déclaré Stuart Pearson, l'auteur de la note de Morgan Stanley.

Pour certains, le fiasco chinois est symptomatique du fait que Dieter Zetsche semble parfois coupé de la réalité des conditions d'activité sur le terrain.

"Personne ne conteste sa perspicacité. On se demande parfois s'il reçoit les bonnes informations pour gérer l'activité -on a l'impression que la direction contrôle mal les données", a dit un expert automobile d'un autre grand courtier.

Sous la direction de Dieter Zetsche, qui dirige à la fois le groupe Daimler et l'activité Mercedes, le constructeur a éprouvé des difficultés à juguler des pertes, non dévoilées, subies dans les petites voitures, qui ont pu atteindre 500 millions d'euros chez Smart.

Benoît Van Overstraeten pour le service français

par Christiaan Hetzner et Laurence Frost