* La CE veut réduire les émissions de CO2 des voitures à 95 g/km en 2020

* L'Allemagne demande une exemption pour les grosses cylindrées

* Berlin exerce une forte pression sur les Etats membres - sources

* De nombreuses capitales, dont Paris et Londres, s'opposent à ses projets

par Barbara Lewis et Charlie Dunmore

BRUXELLES, 18 juin (Reuters) - Berlin est allé jusqu'à brandir la menace d'une réduction voire d'une suspension de programmes d'investissements des constructeurs allemands dans des pays de l'Union européenne qui s'opposent à son projet d'assouplissement des normes sur les émissions de Co2 des voitures proposées par Bruxelles, dit-on de sources diplomatiques.

Les gouvernements des Vingt-Sept et le parlement européen doivent finaliser la semaine prochaine les nouvelles règles en matière de pollution atmosphérique, afin de limiter l'émission de gaz à effet de serre.

La Commission européenne propose de réduire le seuil toléré à 95 grammes de dioxide de carbonne (Co2) par kilomètre pour les voitures neuves vendues à partir de 2020, contre une moyenne de 132,2 g/km en 2012, selon les chiffres de l'Agence européenne de l'environnement.

Cet objectif est jugé trop ambitieux par les constructeurs européens, qui s'inquiètent des coûts élevés qu'ils auraient à supporter pour adapter leur production, au moment où le marché automobile est plongé en plein marasme.

Selon des diplomates européens, l'Allemagne exerce donc un lobbying intense pour que BMW et Daimler, ses constructeurs phares, puissent continuer à vendre après 2020 leurs grosses cylindrées, plus puissantes donc plus polluantes - mais aussi plus chères donc plus rentables.

Berlin propose à cet effet que les constructeurs allemands utilisent les "crédits à polluer" qu'ils gagneront d'ici à l'entrée en vigueur des nouvelles règles, grâce notamment à la production de véhicules à faible émission de CO2, comme les voitures électriques.

Le problème est que le recours à de tels permis d'émission permettrait de facto aux constructeurs allemands de ne pas tenir compte de la limitation à 95 g/km, ce que refusent d'autres pays européens, en tête desquels la France, la Grande-Bretagne et l'Italie, selon des sources européennes.

"LES ALLEMANDS VONT TROP LOIN"

Une note interne de la Commission européenne, dont Reuters a pris connaissance, estime que la proposition allemande "pourrait se traduire par une augmentation nette des émissions de gaz à effet de serre, augmenter la consommation de pétrole et de gaz et réduire la sécurité énergétique".

L'Allemagne n'en exerce pas moins une forte pression sur les pays qui s'opposent à ses projets, en particulier ceux qui ont bénéficié d'un plan de sauvetage largement financé par Berlin, comme le Portugal, disent les sources diplomatiques.

"Ils (les Allemands) ont essayé tout ce qui était possible à haut niveau pour convaincre les Etats membres (...) de soutenir leurs projets", confie un diplomate européen sous le sceau de l'anonymat.

"L'Allemagne semble prête à tout pour défendre ses intérêts. Même les pays généralement germanophiles trouvent qu'ils vont trop loin", affirme-t-il, précisant que certaines menaces ont été formulées par l'entourage d'Angela Merkel.

Interrogés par Reuters, les services de la chancelière n'ont pas souhaité faire de commentaire. Une source au sein du gouvernement allemand a en revanche nié toute pression, et assuré que Berlin cherchait seulement à protéger les emplois dans le secteur automobile.

"Notre stratégie est de nous concentrer sur les pays qui ont de gros constructeurs automobiles comme la France, la Grande-Bretagne et l'Italie", a expliqué la source. "Ils devraient tous mener ce combat (aux côtés de l'Allemagne). On ne devrait pas supprimer des emplois en Europe au moment où le chômage est si élevé." (Tangi Salaün pour le service français, édité par Marc Joanny)

Valeurs citées dans l'article : Bayerische Motoren Werke AG, Daimler AG