* Le prix du gaz russe réduit d'un tiers

* Moscou va acheter $15 mds d'emprunts ukrainiens

* Vladimir Poutine souligne qu'il n'y a aucune contrepartie

* Les USA restent sceptiques

* Les opposants mobilisent près de 50.000 personnes à Kiev (Actualisé avec nombre de manifestants, USA, déclarations Iatseniouk)

par Darya Korsunskaya et Gleb Gorodyankin

MOSCOU, 17 décembre (Reuters) - La Russie va réduire d'un tiers le tarif de ses livraisons de gaz à l'Ukraine et acquérir pour 15 milliards de dollars d'obligations émises par Kiev, ce qui semble récompenser le président Viktor Ianoukovitch pour son refus de signer un accord d'association avec l'Union européenne.

La volte-face du président ukrainien, le 21 novembre, a déclenché un vaste mouvement de contestation et de remise en cause de son pouvoir. L'opposition, qui le soupçonne de vouloir brader les intérêts du pays à la Russie, a réuni mardi jusqu'à 50.000 manifestants sur la place de l'Indépendance, dans le centre de Kiev.

Vitali Klitschko, l'un des trois chefs de file de la contestation à la tête de son parti libéral Udar, a accusé le président d'avoir bradé les intérêts du pays en acceptant les 15 milliards de Moscou.

"Il a abandonné les intérêts nationaux de l'Ukraine, il a abandonné l'indépendance et la perspective d'une vie meilleure pour tous les Ukrainiens", a-t-il lancé à la foule réunie sur la place de l'Indépendance, où se rassemblent depuis des jours les pro-européens dans le centre de Kiev.

Vitali Klitschko, qui est champion du monde des lourds et s'est officiellement retiré lundi du monde de la boxe, a réclamé des élections anticipées en se disant prêt à rencontrer Viktor Ianoukovitch "sur le ring".

Sur la même ligne, un autre meneur de l'opposition, Arseni Iatseniouk, ancien ministre de l'Économie, a prévenu qu'"on ne peut trouver du fromage gratuit que dans un endroit - un piège à souris".

SOULAGEMENT FINANCIER POUR KIEV

Moscou, qui redoutait de voir l'Ukraine échapper à sa sphère d'influence, voit en revanche d'un bon oeil le changement de pied de Viktor Ianoukovitch, qui a été reçu mardi au Kremlin par Vladimir Poutine.

Le président russe a annoncé que la compagnie pétrolière publique Gazprom allait consentir un important rabais sur les tarifs de ses livraisons de gaz naturel à l'Ukraine. Aujourd'hui facturé 400 dollars environ les 1.000 mètres cubes, le gaz russe passera à 268,5 dollars à compter du mois de janvier.

Les difficultés financières de l'Ukraine sont telles que le pays issu de l'éclatement de l'Union soviétique redoutait de ne pouvoir régler ses factures énergétiques cet hiver.

De même, la Russie va apporter un bol d'oxygène aux finances publiques de son voisin en achetant pour 15 milliards de dollars d'emprunts ukrainiens étalés sur cette année et l'an prochain.

Le ministre russe des Finances, Anton Silouanov, a précisé que ce programme d'achats d'obligations serait financé par le Fonds souverain russe.

La Russie a par ailleurs décidé de reprendre ses livraisons de pétrole à la raffinerie d'Odessa, rouverte en octobre après trois ans d'arrêt, selon des traders intervenant sur le marché des matières premières. (voir )

"FAIS DEMI-TOUR ET VA EN EUROPE"

Sur le plan international, les Etats-Unis ont estimé que l'accord ne suffirait pas à satisfaire les revendications des manifestants de l'opposition, qui estiment à Kiev, où la mobilisation dure sans relâche depuis quatre semaines, que Viktor Ianoukovitch n'a rien à faire à Moscou.

"Ianoukovitch, ordonne à ton avion de faire demi-tour et va en Europe", pouvait-on lire mardi sur la route de l'aéroport de Kiev, sur une des banderoles agitées par des centaines de contestataires.

Nombre des manifestants, qui étaient encore 200.000 dimanche à braver le froid et la neige pour rallier la place de l'Indépendance, redoutent qu'en tournant le dos à l'UE, Viktor Ianoukovitch ne précipite l'Ukraine dans le giron russe et ne renvoie le pays à son passé soviétique sous l'égide du Kremlin.

Vladimir Poutine a tenté de calmer le jeu en affirmant que l'aide apportée à l'Ukraine n'était "liée à aucune condition", à commencer par l'union douanière que Moscou a conclue avec la Biélorussie et le Kazakhstan.

"Ne vous emballez pas : nous n'avons pas du tout discuté aujourd'hui de la question d'une adhésion de l'Ukraine à l'union douanière", a dit le président russe.

Les opposants ukrainiens voient toutefois aussi dans un rapprochement avec l'UE un moyen d'importer en Ukraine des règles de bonne gouvernance susceptibles de limiter l'ampleur de la corruption et de favoriser les libertés publiques et la prospérité économique.

Un ancrage à l'Ouest serait en outre l'occasion d'approfondir l'Etat de droit dans un pays où l'opposition accuse le pouvoir d'influencer le système judiciaire comme l'a démontré, selon elle, la condamnation de l'ancien Premier ministre Ioulia Timochenko à sept ans de prison. (avec Pavel Polityuk et Natalia Zinets à Kiev; Henri-Pierre André et Julien Dury pour le service français, édité par Tangi Salaün)

Valeurs citées dans l'article : Neftyanaya kompaniya LUKOIL OAO, Gazprom OAO