(Répétition avec actualisation d'une dépêche diffusée lundi)

* Les craintes sur la Syrie, la Corée et la France planent sur les marchés

* Les actions délaissées dans un climat de tension

* Les valeurs refuges très prisées, yen en tête

* Trump pèse sur les débats de politique monétaire

par Patrick Vignal

PARIS, 18 avril (Reuters) - Les débats sur le potentiel de croissance des marchés actions européens ou la nécessité pour Wall Street de justifier des valorisations élevées pourraient être largement éclipsés cette semaine encore par les risques engendrés par les tensions géopolitiques dans le monde et les incertitudes autour de l'élection présidentielle en France.

Un léger repli pour les actions américaines et une pause plus marquée dans le mouvement de hausse des actions en zone euro ont été observés la semaine dernière sur les marchés financiers, le CAC 40 accusant notamment une perte hebdomadaire de 1,25%.

La faute en incombe en partie à un climat d'aversion au risque dans le sillage des frappes américaines contre une base aérienne en Syrie et des tensions autour de la péninsule coréenne.

En visite en Corée du Sud, le vice-président américain, Mike Pence, a souligné lundi la fin de la politique de "patience stratégique" des Etats-Unis à l'égard de Pyongyang, au lendemain d'un tir raté de missile nord-coréen.

En France, la cote de Marine Le Pen et la montée de Jean-Luc Mélenchon dans les sondages à l'approche du premier tour, dimanche, de la présidentielle contribuent également à alimenter la nervosité des marchés, qui continuent toutefois de privilégier la présence au second tour et la victoire finale de l'un des deux candidats qu'ils jugent les plus rassurants, à savoir Emmanuel Macron ou François Fillon.

Instruits des victoires électorales inattendues des partisans du camp du Brexit en Grande-Bretagne puis de Donald Trump aux Etats-Unis, les investisseurs refusent cependant d'écarter les scénarios qui leur plaisent le moins.

La perspective d'un second tour entre Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon "ne manquerait pas de donner des palpitations aux marchés financiers", lit-on ainsi dans une note de BNP Paribas Investment Partners, qui considère comme scénario le plus probable la présence au second tour et l'élection d'Emmanuel Macron.

LE "SPREAD" FRANCE-ALLEMAGNE SOUS TENSION

Les derniers soubresauts de la campagne en France se font ressentir en particulier sur le marché obligataire où l'écart de rendement (spread) entre l'obligation française à 10 ans et le Bund allemand de même échéance s'est tendu mardi dernier à un plus haut de six semaines, au-dessus de 75 points de base, avant de se relâcher..

Le peu de goût pour les actions, caractéristique des périodes de crispation, s'accompagne une fois encore d'un attrait pour les valeurs refuges, à commencer par le yen, qui a atteint lundi de nouveaux plus hauts de cinq mois face au dollar, à l'euro et à la livre sterling.

Le dollar, lui, a prolongé son mouvement de stabilisation malgré les turbulences. Les économistes de Commerzbank s'étonnent d'ailleurs de l'incapacité de la devise américaine à profiter du contexte actuel. "Cela est probablement dû au fait que les Etats-Unis sont au coeur des risques géopolitiques", écrivent-ils dans une note.

En baisse lundi avec les tensions autour de la Corée du Nord, le billet vert avait déjà reculé jeudi face à un panier de devises de référence après des propos de Donald Trump jugeant la devise américaine trop élevée.

En oubliant la Syrie, la Corée du Nord et la France, l'actualité de la semaine qui commence aurait certainement été dominée par la nouvelle saison de résultats trimestriels qui vient de commencer.

"En substance, nous jugeons les actions légèrement onéreuses et les anticipations de bénéfices particulièrement optimistes", écrivent les experts de BNP Paribas.

Ce verdict résume le sentiment d'investisseurs qui attendent des entreprises qu'elles publient des résultats et des prévisions justifiant le prix élevé des actions, ce qu'ont plutôt réussi la semaine dernière JPMorgan et Citigroup.

Les craintes de survalorisation concernent surtout les entreprises du S&P-500 dont les analystes s'attendent à ce que les bénéfices au premier trimestre aient progressé de 10% sur un an en moyenne, selon des données Thomson Reuters.

TRUMP AIME LES TAUX BAS

S'il est difficile de prédire la durée des crises internationales, le risque politique en France devrait s'estomper après le second tour de la présidentielle, le 7 mai, même s'il faudra attendre les législatives de juin pour savoir si le président élu pourra s'appuyer sur une majorité pour gouverner.

Les débats de fond qui animent les marchés devraient donc rapidement refaire surface, notamment sur la vigueur de la reprise économique et de la reflation dans les pays développés, sans oublier les conséquences sur les échanges commerciaux du virage protectionniste promis par Donald Trump et l'évolution des politiques monétaires des deux côtés de l'Atlantique.

Sur ce dernier point, Donald Trump a fait son petit effet la semaine dernière en disant souhaiter que la Réserve fédérale maintienne des taux bas. Dans la foulée, le rendement des Treasuries à 10 ans a perdu sept points de base, à un creux de cinq mois, autour de 2,22%.

Les investisseurs savent que le président américain, dont les promesses de relance budgétaire et de baisse de la fiscalité ont beaucoup contribué à faire grimper les marchés actions depuis son élection, le 8 novembre dernier, est à surveiller comme le lait sur le feu.

"S'il semble déterminé à tenir ses promesses de campagne, les marchés vont toutefois redoubler d'exigence pour que les platitudes et fanfaronnades cèdent la place à des faits concrets", lit-on dans la dernière note sur les conditions d'investissement de Fidelity International. (édité par Blandine Hénault)

Valeurs citées dans l'article : Citigroup Inc, JPMorgan Chase & Co.