par Jill Serjeant

LOS ANGELES, 7 janvier (Reuters) - Une fois n'est pas coutume, l'important dimanche soir lors de la 75e cérémonie des Golden Globes sera moins le nom des vainqueurs que les paroles qu'ils prononceront à la tribune en récupérant leur trophée, trois mois après le début du scandale Harvey Weinstein.

Seth Meyers, qui anime une émission de divertissement sur la chaîne NBC, aura pour la première fois la délicate tâche de jouer les Monsieur Loyal dans ce rendez-vous annuel de la presse étrangère à Hollywood.

Le petit monde de "l'entertainment" américain continue de résonner douloureusement des révélations visant le très influent producteur américain accusé d'agressions et d'abus sexuels par plusieurs actrices.

Les révélations, parues en octobre dans le New York Times et le New Yorker, ont dévoilé non seulement les comportements répréhensibles d'Harvey Weinstein mais également des pratiques en partie généralisées, connues par les gens du milieu et couvertes par le silence.

Seth Meyers a décidé d'aborder sans détour cette question face à un public qui ne manque jamais une occasion de se poser en défenseur des valeurs morales et a souvent pris pour cible les débordements de Donald Trump.

L'animateur reconnaît qu'éluder le sujet est impossible mais l'évoquer avec le tact nécessaire et le ton juste face au gratin d'Hollywood constituera un sérieux défi au cours des trois heures de la cérémonie.

"Je croise les doigts pour que nous trouvions le ton juste, c'est notre objectif", a commenté Meyers.

ROBES NOIRES

L'une des interventions les plus attendues est celle d'Oprah Winfrey, l'une des animatrices afro-américaines les plus influentes, lorsque lui sera décerné un Globe pour l'ensemble de sa carrière.

L'ambiance risque d'être lourde au Beverly Hilton, dans le très huppé quartier de Beverly Hills, car nombre d'acteurs, de réalisateurs ou d'agents ont été visés par des accusations de harcèlement sexuel, ont été limogés, contraints à démissionner ou ont vu leurs projets jetés aux oubliettes.

L'ampleur du scandale n'a finalement épargné personne, y compris ceux dont le comportement est demeuré irréprochable. Le réalisateur Ridley Scott et les acteurs Michelle Williams et Christopher Plummer sont nommés pour le thriller "Tout l'argent du monde" ("All the Money in the World") qui a dû être tourné une seconde fois à la hâte après les révélations concernant Kevin Spacey, remplacé par Plummer dans le rôle principal.

Concernant les pronostics, "La Forme de l'Eau" ("The Shape of Water"), drame fantastique du réalisateur mexicain Guillermo del Toro, part favori avec sept nominations dont celle de meilleur film dramatique.

Il est suivi par "Pentagon Papers" ("The Post"), une ode passionnée de Steven Spielberg à la liberté de la presse avec Meryl Streep et Tom Hanks, et par la comédie noire "Three Billboards Outside Ebbing, Missouri", qui ont obtenu six nominations chacun.

Concernant les séries, la compétition s'annonce rude avec des nominations qui posent la question des violences faites aux femmes. "Big Little Lies", mini-série de HBO acclamée par la critique, traite en partie des maltraitances conjugales tandis que "La Servante écarlate" ("The Handmaid's Tale"), adaptation d'un roman de la Canadienne Margaret Atwood, met en scène la brutalité d'une société patriarcale.

Dans ce contexte très particulier, des actrices comme Meryl Streep, Jessica Chastain ou Emma Stone envisagent de s'habiller en noir et de renoncer aux traditionnelles robes colorées à paillettes en signe de protestation.

(Pierre Sérisier pour le service français)