La Chine avait dû attendre 15 ans avant de pousser en 2001 les portes de l'OMC. Cela a marqué le point de départ d'une décennie faste pour l'économie chinoise, passée de la sixième à la deuxième place des plus grandes économies mondiales à la faveur d'une explosion de ses exportations.

L'économie russe, essentiellement basée sur les matières premières, présente un profil moins avantageux pour connaître ce genre de bond économique. Avec des flux d'investissement et de commerce moins intenses qu'il y a dix ans, la Russie va devoir se battre pour attirer le même niveau d'investissement que son voisin chinois.

Toutefois, la Russie va en tirer plusieurs avantages.

Les barrières commerciales à l'étranger coûtent environ chaque année entre 1,5 milliard et 2 milliards de dollars aux exportateurs russes. L'entrée à l'OMC va permettre à la Russie d'obtenir une baisse des tarifs douaniers, l'organisation établissant un traitement égal pour tous ses membres.

Moscou devra également faire évoluer ses propres barrières commerciales, ses tarifs moyens devant baisser d'un tiers. Ainsi, les tarifs imposés à l'entrée aux voitures étrangères devront être revus d'ici 2019.

Conséquence, la baisse des prix des produits importés permettra aux consommateurs et aux entreprises russes de disposer de plus d'argent à dépenser.

Certes, certains secteurs devraient souffrir de la baisse des tarifs douaniers, en particulier l'automobile, mais d'autres comme les banques et les télécoms vont s'ouvrir aux investissements étrangers.

Par ailleurs, la Russie souffre d'une réputation de capitalisme de connivence, de lourdeurs administratives et de mépris des droits des investisseurs. L'entrée à l'OMC, qui a le soutien du président Vladimir Poutine et qui est liée à un calendrier strict, devrait inciter le Kremlin à mettre en oeuvre rapidement les réformes nécessaires.

Selon Ed Conroy, gérant de fonds chez HSBC Global AM, la Russie, comme la plupart des nouveaux entrants, profitera d'un bond de sa croissance et des investissements si le pays abaisse ses barrières commerciales et montre un engagement clair pour instaurer des politiques de marché libre.

"L'OMC n'est pas une baguette magique qu'ils peuvent agiter pour créer un paradis pour les investissements, mais si vous créez moins de cadre restrictif, vous créez automatiquement des opportunités. Ne vous attendez pas à une révolution mais à une évolution vers une économie plus ouverte et compétitive", estime le gérant.

La Banque mondiale a calculé, sur la base des prix de 2010, que l'entrée à l'OMC devrait rapporter à la Russie à court terme pas moins de 49 milliards de dollars par an, soit au moins 3% du produit intérieur brut (PIB).

Ce montant pourrait atteindre 162 milliards de dollars par an une fois pris en compte à long terme le climat d'investissement.

À DIFFÉRENTS PAYS, DIFFÉRENTES SITUATIONS

Mais ces avantages ne traduisent pas un miracle économique comme celui qu'a connu la Chine.

Après son entrée à l'OMC, Pékin a vu ses exportations bondir de 20% par an tandis que le flux des investissements étrangers directs (IDE) a été multiplié par cinq sur dix ans grâce à l'implantation en Chine des entreprises étrangères.

Cela n'arrivera pas à la Russie. D'abord parce que ces exportations portent essentiellement sur le pétrole et le gaz qui ne sont pas sujets à des barrières commerciales. Ensuite parce que la Russie n'est pas une terre propice à la délocalisation, les coûts du travail y étant trop élevés.

L'organisation de l'Onu chargée du commerce, l'UNCTAD, a ainsi admis que l'entrée à l'OMC "pourrait ne pas avoir un effet important sur les investissements directs étrangers" pour les industriels russes.

Le directeur général de l'OMC, le Français Pascal Lamy, ne dit pas autre chose. "Je pense que la Chine de 2001 et la Russie de 2012 ne sont pas comparables", a-t-il déclaré lors d'une interview à Reuters Insider, arguant des différences de structures à l'export des deux pays et du fait que Moscou a négocié un calendrier progressif pour l'ouverture de ses barrières commerciales.

"Cette adhésion n'est pas un 'big bang'", a-t-il ajouté.

Par ailleurs, le contexte économique a bien changé depuis le début des années 2000.

"La Chine a profité pendant plusieurs années d'une croissance soutenue par la dette en Occident", souligne John-Paul Smith, directeur de la stratégie des marchés émergents chez Deutsche Bank.

Désormais, la plupart des pays développés sont en récession et mènent des politiques d'austérité. L'OMC s'attend à ce que le commerce mondial ne progresse que de 3,7% cette année, soit presque moitié moins que le taux de croissance annuel de 6% atteint en moyenne entre 1990 et 2008.

Blandine Hénault pour le service français, édité par Dominique Rodriguez

par Sujata Rao