par Raoul Sachs

Une relative détente régnait vendredi dans l'attente d'une réunion des ministres des Finances de l'Eurogroupe dimanche.

"Après les atermoiements des pays de la zone euro, les marchés attendent une réponse concrète et cohérente pour sortir de la première grande crise de la zone euro", dit un expert.

L'agence de notation Moody's qui, contrairement à Standard & Poor's, n'a pas franchi le pas de dégrader la note de la Grèce dans la catégorie spéculative, a menacé de le faire si les pays de la zone euro ne parvenaient pas à décider d'une solution ou si le plan de redressement des finances publiques de la Grèce n'est pas assez ambitieux.

Standard & Poor's a entretenu la défiance vis-à-vis de la Grèce et d'autres pays dits périphériques de la zone euro en abaissant non seulement les notes de la République hellénique mais aussi celles du Portugal et l'Espagne, faisant souffler mercredi un vent de panique sur les marchés.

Le retour de l'aversion au risque a frappé les dettes des pays périphériques - le rendement de l'obligation grecque à 10 ans a touché les 13%, s'écartant de plus de 1.000 points de base du rendement allemand équivalent allemand -, les actions et, dans une moindre mesure, le crédit corporate.

D'une semaine à l'autre, les écarts de rendement se sont creusés sur le marché du crédit au comptant mais dans des proportions limitées, globalement de 10 points de base de plus si l'on retient l'indice Merrill Lynch des corporate euro.

UNE "LIVRE DE CHAIR"

Ce mouvement a été essentiellement dû aux financières, les plus pénalisées par les remous autour de la dette souveraine dans l'Euroland.

Les émissions de dette senior par les institutions financières ont sérieusement ralenti après un début d'année sur les chapeaux de roues. Quant à la dette subordonnée des banques, elle a certes subi le contrecoup de la Grèce mais aussi l'attente de la nouvelle réglementation du Comité de Bâle et la définition des fonds propres des banques.

"Nous ne prévoyons pas de retour à la visibilité avant le quatrième trimestre au plus tôt. Les émissions (de dette subordonnée) Tier One et Lower Tier 2 vont rester maigres", dit Suki Mann, stratégiste crédit chez Société générale.

"La crise grecque a frappé la zone de la monnaie unique plus vite qu'on ne l'aurait imaginé. Les politiques tentent laborieusement de donner une réponse cohérente tandis que le marché a prélevé sa 'livre de chair'", ajoute-t-il en soulignant que le crédit corporate reste la "meilleure" classe d'actifs.

Les bons résultats des sociétés, l'amélioration de la notation des entreprises, l'abondance de liquidités, la faible croissance de la zone euro, la volonté des groupes cotés de protéger la solidité de leur bilan sont autant de facteurs qui militent en faveur du crédit corporate et plus particulièrement cette année le "high yield", explique-t-il.

"Les solides résultats des sociétés européennes et de bonnes statistiques macroéconomiques ont estompé les craintes provoquées par les dégradations de Standard & Poor's", soulignent de leur côte les analystes crédit de Natixis.

Au cours de la semaine écoulée, Rhodia, qui est notée high yield ("B-") par Moody's, a émis jeudi 500 millions d'euros d'obligations à 8 ans en offrant un rendement de 418 points de base au-dessus de l'obligation d'Etat allemande (Bund) équivalente.

L'opération de Rhodia est destinée à financer le rachat de 500 millions d'euros d'obligations d'échéance 2013 dont l'encours est de 1,1 milliard d'euros, soit une nouvelle illustration de la volonté des entreprises d'assainir leur bilan, un facteur de soutien au marché du crédit.

Conséquence de cette aversion au risque, la fuite vers la qualité s'est soldée par une hausse des cours des obligations allemandes et françaises et une baisse de leur rendement. Le 10 ans allemand, référence de la zone euro, est ainsi passé sous les 3% contre 3,15% début avril, et le 10 ans français à 3,3% contre 3,48%.

Edité par Dominique Rodriguez