* Une série d'annonces depuis six mois

* Qui peinent cependant à convaincre les ONG

par Simon Carraud

PARIS, 18 janvier (Reuters) - Longtemps présenté comme indifférent à la cause écologique, Emmanuel Macron a su cultiver une image de chef d'Etat soucieux de l'avenir de la planète, en particulier sur la scène internationale, sans toutefois convaincre les ONG.

Dernière décision en date : l'abandon du projet d'aéroport à Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique), contre lequel les écologistes ont ferraillé pendant plusieurs décennies.

Auparavant, l'exécutif a annoncé son intention de bannir sous trois ans le glyphosate, un herbicide aux effets sanitaires controversés, ou de mettre fin à la vente de véhicules à essence et au diesel d'ici à 2040 - autant de décisions allant dans le sens des revendications portées par les militants de la cause.

Emmanuel Macron a par ailleurs confié le dossier à Nicolas Hulot, défenseur respecté de l'environnement, qu'il a élevé au rang de ministre d'Etat.

"Le gouvernement, et Nicolas Hulot le premier, n'a pas à rougir de son bilan écologique", juge un proche du chef de l'Etat.

A titre personnel, le président français s'efforce en outre d'apparaître aux yeux du monde comme l'anti-Donald Trump, lequel conteste la réalité du réchauffement climatique et prépare depuis le mois de juin la sortie des Etats-Unis de l'accord de Paris sur le climat.

"PAS UN ÉCOLOGISTE FORCENÉ"

De cette ambition sont nés le slogan "Make our planet great again", parodie de la devise trumpienne "Make America great again", ainsi que le sommet "One planet summit", organisé le mois dernier en France pour donner un nouvel élan à la lutte contre le dérèglement du climat.

"On est en train de perdre la bataille", a-t-il alors lancé.

"Je crois qu'il a compris l'enjeu", déclare Barbara Pompili, ancienne adhérente des Verts ralliée à La République en marche (LaRem) et désormais présidente de la commission du Développement durable à l'Assemblée nationale. "Je ne pense pas du tout que ce soit un écologiste forcené dans l'âme mais tout simplement parce qu'il n'a jamais vécu dans cette culture-là."

"Par contre, c'est quelqu'un d'intelligent politiquement, et c'est quelqu'un qui a compris que, là, on touchait à un enjeu très intéressant en termes de nouveau modèle de développement, en termes de perspectives qui peuvent s'ouvrir pour l'international mais aussi pour la France et même pour lui", ajoute la députée de la Somme.

Selon Matthieu Orphelin, lui aussi député de la majorité venu de l'écologie militante, la conversion d'Emmanuel Macron date du début de la campagne présidentielle.

Depuis lors, "il y a plein de sujets sur lesquels il a vraiment évolué", estime ce proche de Nicolas Hulot.

"Par exemple, ajoute-t-il, si vous prenez ses positions d'aujourd'hui sur le diesel - rééquilibrer la fiscalité essence-diesel, la fin des véhicules essence et diesel en 2040 -, ce sont des choses qui tranchent par rapport à ses positions de 2015 sur le sujet."

"BILAN CONTRASTÉ"

Mais, pour les sceptiques, il y a dans un point noir dans le bilan d'Emmanuel Macron : la gestion du dossier nucléaire.

Par la voix de Nicolas Hulot, le gouvernement a annoncé en novembre dernier le report de l'objectif de ramener à 50% la part du nucléaire dans la production d'électricité, qui devait initialement être atteint en 2025.

L'exécutif commence à préparer la fermeture de la centrale vieillissante de Fessenheim (Haut-Rhin), comme en témoigne la visite sur place du secrétaire d'Etat Sébastien Lecornu ces jours-ci, mais n'a pris aucun engagement pour l'heure sur l'arrêt d'autres réacteurs durant le quinquennat.

Une loi de programmation pluriannuelle de l'énergie est attendue en 2018.

Les détracteurs ne manquent pas non plus de souligner que le président, en nommant Edouard Philippe à Matignon, s'est adjoint les services d'un ancien cadre dirigeant d'Areva, coupable à leurs yeux d'avoir voté en 2015 contre la loi de transition énergétique.

"Il y a un décalage entre le discours et les actes", déplore Jean-François Julliard, directeur général de Greenpeace France.

Selon lui, le chef de l'Etat "a compris qu'il avait un intérêt politique à se montrer ouvert à ces questions-là, qu'il avait une carte à jouer au moment de l'annonce de Trump" mais, poursuit-il, "parler de conversion écologique d'Emmanuel Macron, pas une seconde."

De manière générale, les ONG exhortent l'ex-ministre de l'Economie à se montrer à la hauteur des attentes qu'il suscite par ses envolées à l'international.

"C'est un bilan contrasté", juge pour sa part Corinne Lepage, ministre de l'Environnement dans le gouvernement d'Alain Juppé au milieu des années 1990, qui a participé à l'élaboration du programme d'Emmanuel Macron en la matière.

"Du côté du pour, il y a la décision sur Notre-Dame-des-Landes mais c'est quasiment la seule décision concrète prise en faveur de l'environnement. Tout le reste, c'est beaucoup de communication", selon Corinne Lepage. (Avec Elizabeth Pineau et Michel Rose, édité par Yves Clarisse)