Moscou (awp/afp) - Bouleversement dans la hiérarchie des puissants géants russes de l'énergie, au coeur des jeux d'influence au sein du pouvoir: le pétrolier Rosneft a provisoirement ravi lundi au producteur de gaz Gazprom sa place de première entreprise russe par la valeur boursière.

La capitalisation de Rosneft a devancé pendant une partie de la séance de la Bourse de Moscou celle de Gazprom, du jamais vu, avant de revenir en retrait en fin de journée. A la clôture, Rosneft valait 3.444 milliards de roubles (44,9 milliards d'euros), en hausse de 2,69%, et Gazprom 3.487 milliards de roubles (45,4 milliards d'euros), soit une progression de 1,10%.

Ce renversement illustre le contraste entre l'évolution ces dernières années de ces deux mastodontes contrôlés par l'Etat russe, qui en tire des revenus considérables.

Gazprom, héritier du monopole gazier de l'URSS et assis sur 17% des réserves mondiales, valait avant la crise de 2008 plus de 300 milliards de dollars en Bourse et visait ouvertement les 1.000 milliards.

Ces dernières années, il a été confronté à un nombre croissant de défis même s'il est resté très rentable et incontournable pour les consommateurs européens: conflits gaziers avec l'Ukraine, accusations d'abus de position dominante de l'Union européenne, concurrence nouvelle du gaz de schiste américain...

Souvent accusé de servir les intérêts de politique étrangère, il se voit reprocher par ses détracteurs son manque de flexibilité et de transparence. Régulièrement, des appels à son démantèlement au profit de plusieurs sociétés plus souples surgissent, ce que le Kremlin refuse.

Rosneft, à l'inverse, était une société peu connue avant d'avaler une grande partie du pétrolier Ioukos de l'opposant Mikhaïl Khodorkovski, démantelé au début des années 2000.

Considérablement modernisé depuis qu'il est dirigé par Igor Setchine, considéré comme très proche de Vladimir Poutine, il est devenu le premier producteur de pétrole coté en Bourse dans le monde en rachetant son concurrent TNK-BNP en 2013 et en nouant des alliances avec les grandes compagnies occidentales, dont la britannique BP.

"Gazprom était à une certaine époque la quatrième société dans le monde par la capitalisation et (...) le fait que Rosneft ait dépassé Gazprom indique que les problèmes (du premier, ndlr) sont moins graves que ceux du second malgré la faiblesse des cours du pétrole", a commenté l'analyste Valéri Nesterov, de la banque Sberbank CIB, cité par l'agence Ria-Novosti.

En dépit de l'effondrement des cours, Rosneft a dégagé un bénéfice net de 355 milliards de roubles (4,7 milliards d'euros) l'an dernier, stable par rapport à 2014 et son chiffre d'affaires n'a reculé que de 6,4% à 5.150 milliards de roubles (67 milliards d'euros).

Ses résultats financiers sont soutenus par la chute du rouble qui compense en partie la baisse des cours en dollars.

Rosneft développe également sa production de gaz, concurrençant directement Gazprom, et se livre selon la presse russe à un lobbying intense pour obtenir que soit encoure assoupli le monopole de son concurrent sur certaines exportations.

afp/al