par Marwa Awad

LE CAIRE, 22 février (Reuters) - L'opposition égyptienne a déploré vendredi que le président Mohammed Morsi ait convoqué des élections en pleine crise politique et l'accuse de vouloir attiser les tensions entre libéraux et islamistes, qui ont remporté haut la main tous les scrutins depuis la "révolution du Nil".

Plusieurs mouvements ont menacé de boycotter les législatives dont le décret signé jeudi par le chef de l'Etat, issu des Frères musulmans, fixe le lancement au 27 avril. Organisées en quatre phases, elles s'achèveront fin juin et le nouveau parlement se réunira le 6 juillet. (Voir )

L'Assemblée du peuple, chambre basse du Parlement, a été dissoute l'an dernier par la Cour constitutionnelle juste avant l'élection présidentielle, en raison d'une loi électorale jugée "injuste".

Les législatives organisées fin 2011-début 2012, premier scrutin libre de l'histoire de l'Egypte, avaient été largement remportées par les Frères musulmans, devant les salafistes. Les partis libéraux n'avaient fait que de la figuration.

Pour Mohammed Morsi, le scrutin doit parachever la difficile transition démocratique entamée avec la démission d'Hosni Moubarak. Selon les mouvements islamistes, il s'agit du seul moyen de ramener le calme et d'enrayer la glissade de l'économie.

En l'absence de consensus national, des élections vont "aggraver la situation", juge pour sa part le libéral Mohamed ElBaradeï, ancien directeur général de l'Agence internationale de l'énergie atomique et lauréat du prix Nobel de la paix.

"Davantage de polarisation, d'exclusion et d'oppression ajoutés à la détérioration de l'économie et de la sécurité vont nous plonger dans les abysses", dit-il sur son compte Twitter.

Les tensions croissantes entre des islamistes désireux d'introduire davantage de préceptes religieux dans les affaires publiques et une opposition très disparate ont donné lieu à de violents débordements ces derniers mois.

"NE PAS VOTER EST UNE GRAVE ERREUR"

Des manifestations ont encore eu lieu vendredi à Alexandrie et à Port-Saïd. Un rassemblement a également eu lieu place Tahrir, épicentre de la contestation au Caire, mais une tempête de sable a modéré les ardeurs des manifestants.

Leurs revendications sont aussi diverses que l'opposition est fragmentée. Certains ont réclamé la démission du président, tandis que d'autres invitaient l'armée à reprendre le pouvoir.

"Nous nous réunirons au début de la semaine prochaine pour décider si nous boycottons les élections ou si nous y allons. Mais, comme vous le voyez, l'opposition est globalement contrariée par cette décision unilatérale de la présidence. Il s'agit d'une décision hâtive", a déclaré Khaled Daoud au nom du Front de salut national, qui fédère plusieurs partis hostiles aux islamistes.

Des appels au boycott sont restés lettre morte lors des derniers scrutins. L'opposition reste en outre fragmentée et mal financée, à la différence d'une majorité islamiste très organisée.

"Nous avons une difficile décision politique à prendre et le temps manque. L'opposition doit faire la preuve de sa capacité à rester unie", commente Amr Hamzaoui, ancien député libéral et politologue à l'université du Caire.

Côté islamiste, on se réjouit du scrutin et on balaye les menaces de boycott. "Les élections sont le seul moyen de sortir de la crise. Le peuple doit pouvoir choisir ceux qui lui conviennent. La majorité des forces politiques ne boycottera pas le scrutin", assure Tarek al Zoumor, du Parti de la construction et du développement.

Pour Essam Erian, du Parti liberté et justice mis sur pied par les Frères musulmans, la nouvelle législature ramènera la cohésion dans la vie politique égyptienne. "Il y aura toutes sortes de voix au nouveau parlement : islamistes, conservateurs, libéraux et progressistes. Tout le monde réalise l'importance de la période qui vient et ne pas voter est une grave erreur", dit-il. (Jean-Philippe Lefief pour le service français)