* Un sondage donne Fillon gagnant avec 65%

* "Une vague finit toujours par refluer", dit Apparu

* Juppé veut poursuivre l'offensive

* Ses soutiens gênés par la tournure de la campagne

par Sophie Louet

PARIS, 23 novembre (Reuters) - L'affrontement pour l'investiture présidentielle à droite, qui tient du pugilat depuis le premier tour de la primaire, connaîtra son point d'orgue jeudi soir avec le débat télévisé de l'entre-deux-tours où Alain Juppé jouera son va-tout avec l'espoir de contrecarrer l'élan du favori, François Fillon.

Le défi paraît insurmontable à la lumière des derniers sondages, dont une enquête Ifop-Fiducial qui donne mercredi François Fillon gagnant avec 65% des suffrages.

Entre "guerre des droites" et "querelle des Anciens et des Modernes", la campagne a pris un tour aussi violent qu'inattendu au lendemain de la qualification surprise de l'ancien Premier ministre de Nicolas Sarkozy (44,1%) et la contre-performance du maire de Bordeaux (28,6%), acculé à une tactique d'"outsider" dont il n'avait rien envisagé.

"Une vague, même puissante, finit toujours par refluer, un vent fort peut baisser ou se retourner", veut croire Benoist Apparu, l'un des lieutenants d'Alain Juppé, dans Paris Match.

Alain Juppé a ainsi troqué la dague florentine, son arme coutumière, contre la hallebarde dans un registre contre-nature qui a heurté au sein même de ses rangs.

"Ambiguïté" sur l'avortement, proximité avec l'extrême droite, "brutalité" économique et sociale, "complaisance" avec la Russie, retour masqué du sarkozysme : Alain Juppé "ne lâchera sur rien" contre son adversaire, prévient Benoist Apparu.

Après la polémique sur l'interruption volontaire de grossesse (IVG), jugée "close", le maire de Bordeaux a prévenu qu'il ne "renoncerai pas à poser d'autres questions pour clarifier des positions qui sont parfois confuses".

PROJET CONTRE PROJET

Dans ce duel "projet contre projet", il entend souligner "l'irréalisme" des coupes massives (500.000 suppressions de postes sur cinq ans) prévues par François Fillon dans la fonction publique en portant la durée hebdomadaire de travail de 35 à 39 heures.

"Mathématiquement, c'est jouable. En revanche, comment financera-t-il les 20 milliards d'euros que lui coûteront ces heures de travail supplémentaires?", s'interroge Benoist Apparu.

Autre angle d'attaque, un plan de 16.000 places de prison sur un mandat, "inexécutable" aussi, dit-on dans l'équipe d'Alain Juppé.

Dans une tribune publiée mercredi dans Les Echos, François Fillon réplique point par point à ses détracteurs, affirmant que son projet est "faisable" sans geler les recrutements.

"Je n'ai jamais de problème à être comparé à une personne qui a sauvé son pays", a-t-il répondu mardi sur BFM TV à ceux qui l'assimilent à l'ultra-libérale Margaret Thatcher.

Alain Juppé portera le fer également sur le front diplomatique, relativement éclipsé durant la campagne du premier tour, pour presser François Fillon de clarifier ses relations avec Vladimir Poutine qui a salué mercredi en lui un "grand professionnel".

DÉBAT SUR LES RELATIONS AVEC POUTINE

Le favori de la primaire prône un rapprochement stratégique avec la Russie et la Syrie et plaide pour une coopération avec Moscou et le régime de Bachar al Assad afin d'éradiquer l'organisation Etat islamique (EI).

"Je ne suis ni poutinolâtre, ni poutinophobe", souligne pour sa part Alain Juppé qui se dit ouvert à un dialogue avec le président russe "mais pas dans la complaisance et pas dans le béni oui-oui." La France, dit-il, doit "marquer ses différences" vis-à-vis du Kremlin sur l'annexion de la Crimée, le conflit ukrainien ou la crise au Proche-Orient.

Puisqu'il faut désormais faire feu de tout bois, Alain Juppé s'efforcera de déstabiliser François Fillon sur sa "rupture" présumée avec Nicolas Sarkozy, qu'il n'a pas ménagé depuis la défaite de 2012, mais qui lui a apporté son soutien pour le second tour après son élimination dimanche dernier.

"On se situe dans une forme de continuité, ce qui est un peu surprenant quand on veut pratiquer la rupture", a-t-il dit mardi soir sur BFM TV. "J'ai été ministre 18 mois pendant ce quinquennat et je n'ai jamais craché dans la soupe. Je ne me suis pas retourné contre ce qui a été fait, ce qui au départ n'a pas été tout à fait l'attitude de François Fillon".

L'intéressé a déjà sa réplique : "Alain Juppé oublie qu'il était membre du premier gouvernement que j'ai constitué sous l'autorité de Nicolas Sarkozy et que s'il n'avait pas été battu aux élections législatives, il serait resté ministre pendant tout le quinquennat."

"Les passions politiques sont souvent excessives", met en garde mercredi Hervé Mariton, rallié à Alain Juppé. (Avec Simon Carraud, édité par Yves Clarisse)