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WASHINGTON, 18 avril (Reuters) - Extraits de la version expurgée du rapport du procureur spécial Robert Mueller rendue publique jeudi.

Le rapport comporte au total 448 pages.

"JE SUIS FOUTU"

"Lorsque (l'ancien Attorney General/ministre fédéral de la Justice Jeff) Sessions a informé le président (Donald Trump) qu'un procureur spécial avait été désigné, le président s'est affaissé sur son fauteuil et a dit 'Oh mon Dieu. C'est terrible. C'est la fin de ma présidence. Je suis foutu.'" (littéralement: "I'm fucked.")

Cette scène se déroule le 17 mai 2017 dans le bureau Ovale de la Maison blanche, alors que Robert Mueller vient d'être désigné par le numéro deux du département de la Justice, Rod Rosenstein (Sessions, qui s'est récusé de toute affaire liée à l'enquête russe, n'a pas la main).

REUTERS/Jonathan Ernst

Le rapport, qui s'appuie sur le témoignage de Sessions et sur les notes prises par Jody Hunt, à l'époque chef de cabinet de l'Attorney General, poursuit en dévoilant la colère du président.

"Vous étiez supposé me protéger", dit-il à Sessions.

Puis le président se lamente à nouveau sur les conséquences potentielles de la nomination d'un procureur spécial. "Tout le monde me dit que si on se retrouve avec l'un de ces procureurs indépendants, ça ruine votre présidence. Ça dure des années et des années et je ne serai plus en mesure de faire quoi que ce soit. C'est la pire chose qui me soit jamais arrivée."

"NE L'EXONÈRE PAS NON PLUS"

"Les preuves que nous avons obtenues sur les actes et l'intention du président présentent des points difficiles qui nous empêchent de déterminer de façon concluante qu'aucune conduite criminelle n'a eu lieu. En conséquence, même si ce rapport ne conclut pas que le président a commis un crime, il ne l'exonère pas non plus."

"CETTE ENQUÊTE N'A PAS ÉTABLI QUE DES MEMBRES DE LA CAMPAGNE TRUMP ONT CONSPIRÉ OU SE SONT COORDONNÉS AVEC LE GOUVERNEMENT RUSSE"

"Même si l'enquête a établi que le gouvernement russe s'est aperçu qu'il tirerait profit d'une présidence Trump et a oeuvré pour parvenir à ce résultat, et que l'équipe de campagne (de Trump) s'attendait à bénéficier électoralement d'informations volées et diffusées par le biais d'initiatives russes, cette enquête n'a pas établi que des membres de la campagne Trump ont conspiré ou se sont coordonnés avec le gouvernement russe dans ses activités d'ingérence électorale."

LES CONTACTS RUSSES

"Les contacts russes (avec l'équipe de campagne de Trump) ont consisté en des liens d'affaires, des propositions d'assistance à l'équipe de campagne, des invitations pour une rencontre en personne entre le candidat Trump et Poutine, des invitations pour des rencontres entre des responsables de la campagne et des représentants du gouvernement russe, et des positions politiques visant à améliorer les relations américano-russes."

"LAISSER MANAFORT PENSER QU'IL POURRAIT ÊTRE GRACIÉ"

"Les preuves soutiennent la conclusion que le président a eu l'intention de laisser (l'ancien président de son équipe de campagne Paul) Manafort penser qu'il pourrait être gracié, ce qui rendait inutile la coopération avec le gouvernement comme moyen d'obtenir une peine allégée."

"MUELLER DOIT PARTIR. RAPPELLE-MOI"

Le 17 juin 2017, un mois jour pour jour après la nomination de Robert Mueller par Rod Rosenstein, Donald Trump décroche son téléphone et appelle Don McGahn, alors conseiller juridique de la Maison blanche. Il lui demande de faire renvoyer Mueller en invoquant des "conflits d'intérêt".

"Tu dois faire ça, tu dois appeler Rod", lui dit-il.

"Appelle Rod, dis à Rod que Mueller a des conflits d'intérêts et ne peut pas être le procureur spécial", insiste-t-il au cours d'une seconde discussion téléphonique ce même jour. "Mueller doit partir (...) Rappelle-moi quand tu l'auras fait."

McGahn s'est senti "piégé" mais n'a pas donne suite à cette consigne, décidant qu'il serait préférable de démissionner, poursuit le rapport. D'autres conseillers de la Maison blanche l'ont pas la suite dissuadé de remettre sa démission, et Trump n'a pas tenté de savoir si McGahn avait respecté sa directive.

Des mois passent. "Début 2018, reprend le rapport, la presse a rapporté que le président avait ordonné à McGahn de faire partir le procureur spécial en juin 2017 et que McGahn avait menacé de démissionner plutôt que d'exécuter cet ordre."

"Le président a réagi à ces articles de presse en ordonnant à des responsables de la Maison blanche de dire à McGahn de contester cette version et d'attester par un document archivable qu'il n'avait pas reçu l'ordre d'obtenir le départ du procureur spécial."

Approché par ces responsables, McGahn leur répond que les articles de presse sont justes. Trump s'entretient alors avec lui et le presse d'opposer un démenti mais, ajoute le rapport, "McGahn a refusé de faire marche arrière".

INTERROGER LE PRÉSIDENT ?

Pendant plus d'un an, le procureur Mueller a tenté d'interroger Trump, lequel a fini par refuser. Le président a bien fourni des réponses écrites à des questions portant sur la Russie mais n'a pas accepté de répondre à des questions portant sur une possible obstruction au cours de la justice ou à des événements intervenus pendant la transition présidentielle, entre son élection le 8 novembre 2016 et son investiture, le 20 janvier 2017.

Mueller indique qu'il pensait avoir l'autorité juridique nécessaire pour ordonner à Trump de témoigner devant un grand jury. Il s'en est abstenu en raison, dit-il, du "retard substantiel qu'un tel développement de l'enquête aurait sans doute induit à un stade tardif de notre investigation".

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REACTIONS à la publication du rapport Mueller

CHRONOLOGIE de l'enquête russe du procureur Mueller

(Richard Cowan et Susan Cornwell Henri-Pierre André pour le service français)