Cette décision intervient après la déclaration par le groupe, en août, d'un "événement significatif pour la sûreté" dû à un risque de rupture d'une partie de la digue du canal de Donzère-Mondragon qui protège le site, dans le cas des séismes les plus importants étudiés dans les démonstrations de sûreté nucléaire.

"L'inondation en résultant pourrait conduire à un accident de fusion du combustible nucléaire des quatre réacteurs de la centrale nucléaire du Tricastin et rendrait particulièrement difficile la mise en oeuvre des moyens de gestion d'urgence internes et externes", a fait savoir l'ASN dans un communiqué.

Des éléments apportés par EDF "ne permettent pas d'écarter le risque à court terme", a ajouté l'ASN, précisant que le groupe devrait "compléter ses investigations géotechniques" et procéder, avant le redémarrage des réacteurs, aux renforcements nécessaires pour assurer la résistance de la digue.

L'électricien public a de son côté fait savoir dans un communiqué qu'il ne partageait pas "la nécessité d'arrêter les quatre réacteurs pendant la durée des travaux" mais qu'il mettrait en oeuvre la décision de l'ASN "dans les meilleurs délais", à savoir dans les prochains jours.

EDF a en conséquence revu à la baisse son objectif de production nucléaire pour 2017, à un niveau de 385 à 392 térawatts-heure (TWh) contre 390 à 400 TWh prévus auparavant.

Il a cependant confirmé ses objectifs financiers pour 2017 et 2018 "à environnement de prix actuel", qui incluent un bénéfice avant impôt, charges financières, dépréciation et amortissement (Ebitda) compris entre 13,7 et 14,3 milliards d'euros cette année et de 15,2 milliards au moins l'an prochain.

"EXCESSIF"

EDF a souligné la très faible probabilité d'un séisme d'une puissance telle qu'il pourrait endommager la digue protégeant la centrale du Tricastin. Il a toutefois proposé à l'ASN des travaux de renforcement sous un mois et la mise en place immédiate de protections complémentaires.

"Compte tenu de ces dispositions, EDF est convaincu que la sûreté des installations est garantie et considère que l'arrêt des réacteurs est injustifié", a martelé le groupe, dont l'expression officielle du désaccord avec l'ASN est rarissime.

Philippe Sasseigne, le directeur du parc nucléaire français, a déclaré lors d'une conférence téléphonique qu'EDF espérait redémarrer la centrale nucléaire du Tricastin "dans les premiers jours de novembre" et que le coût des travaux pour renforcer la protection du site atteindrait "quelques millions d'euros".

Sans préciser quel serait l'impact financier de l'arrêt du Tricastin, Philippe Sasseigne a souligné qu'il devrait amputer la production d'EDF de 3 TWh a minima et que les prix de marché s'élevaient aujourd'hui à quelque 40 millions d'euros/TWh.

"L'arrêt des réacteurs nous semble excessif et je peux vous garantir (...) que je garantis la sûreté même avec des réacteurs qui continueraient à fonctionner", a-t-il dit.

Après ces annonces, l'action EDF a accentué ses pertes à la Bourse de Paris et subi sa plus forte chute sur une séance depuis le 4 juillet (-4,02%). Elle avait auparavant repris plus de 48% depuis son plus bas de l'année, touché en avril, à 7,33 euros.

A 16h, le titre reculait encore de 2,44% à 10,59 euros, deuxième plus forte baisse de l'indice SBF 120 (+0,16%).

AREVA EST AUSSI CONCERNÉ

Les prix de l'électricité sont dans le même temps en forte hausse sur le marché de gros européen, le contrat sur l'électricité française pour une livraison en 2018 a grimpé jusqu'à 42,90 euros par mégawatt/heure, non loin de ses récents plus hauts du 19 septembre (43 euros). Vers 16h, il prenait 2,05% à 42,25 euros par mégawatt/heure,

Fin 2016, les prix de l'électricité avaient déjà bondi en raison de la faible disponibilité du parc nucléaire français à la suite de contrôles exigés par l'ASN.

L'arrêt provisoire du Tricastin intervient alors que le gendarme du nucléaire a déjà contraint ces derniers mois EDF à démontrer la sûreté de la cuve de l'EPR de Flamanville (Manche) et à analyser des composants de son parc français de 58 réacteurs issus de l'usine d'Areva du Creusot (Saône-et-Loire).

Les réacteurs de la centrale du Tricastin, mise en service en 1980, sont installés à environ six mètres sous le niveau du plan d'eau du canal de Donzère-Mondragon, dans la plaine de Pierrelatte.

Le site accueille également des usines de conversion et d'enrichissement de l'uranium exploitées par Areva, contraint par l'ASN de mettre à niveau "des moyens de limitation des conséquences des rejets chimiques".

(Edité par Dominique Rodriguez)

par Benjamin Mallet