* Les taux d'intérêt ultra-bas dépriment les profits

* Graphique sur les coefficients d'exploitation:

* http://tmsnrt.rs/2bUAN6F

* Graphique sur la part de marché des différentes banques:

* http://tmsnrt.rs/2bFXVZc

* Graphique sur la faiblesse des marges: http://tmsnrt.rs/2bG25jF

par Jonathan Gould

FRANCFORT, 30 août (Reuters) - La politique monétaire ultra-accommodante de la Banque centrale européenne (BCE) a souligné les faiblesses des banques allemandes, les contraignant à revoir leur modèle d'affaires et à couper dans les coûts.

Les fleurons des banques allemandes sombrent en queue du classement des banques européennes alors que les quelques 2.000 établissements bancaires du pays - banques commerciales, mutualistes et publiques - affichent parmi les plus faibles marges du secteur en Europe.

Pendant des années, la stratégie de la plupart des banques allemandes a consisté à gagner de nouveaux clients en proposant une quasi gratuité de la tenue de compte et des primes pour favoriser le passage d'une banque à l'autre, les marges confortables sur les activités de prêts permettant de subventionner les activités de banque de détail et paiement.

Tant que les taux d'intérêt étaient suffisamment élevés, ce modèle a fonctionné, permettant même de masquer d'autres dysfonctionnements alors que le ratio d'exploitation des banques ressort à 73% en Allemagne contre 64% dans le reste de la zone euro, selon l'agence de notation Moody's.

La politique de taux d'intérêt négatifs de la BCE a révélé la dépendance des banques allemandes aux marges d'intérêt, sapé les profits et miné leur capacité à renforcer leurs fonds propres. La pression sur les marges doit pousser à des fusions et des fermetures mais dans l'immédiat les banques privilégient d'autres stratégies.

La banque bavaroise Raiffeisen Gmund, l'une des plus de 1.000 banques mutualistes allemandes, a ainsi brisé le tabou ce mois-ci de la gratuité des services en contrepartie de la non rémunération des dépôts en déclarant qu'elle n'avait pas d'autres choix que de facturer les dépôts à ses plus gros déposants afin de ne pas dégrader la qualité de ses prestations ou d'éviter de devoir fusionner avec d'autres établissements.

"La seule manière réaliste de baisser nos coûts serait de réduire notre présence dans le marché", a dit le dirigeant de la banque Josef Paul.

Postbank, l'un des pionniers de la gratuité des services de tenue de compte a imposé ce mois-ci une commission mensuelle fixe de 3,90 euros pour la "vaste majorité" de ses 5,3 millions de détenteurs de comptes à vue.

D'autres banques privilégient l'investissement dans leur offre numérique tout en se montrant réticentes à abandonner leurs agences en dur pourtant très gourmandes en main d'oeuvre.

Pour Michael Kemmer, le dirigeant de la BDB, la fédération des banques allemandes, de telles mesures sont censées mais le nombre élevé d'établissements et le caractère très fragmenté du marché impliquent que toute banque en pointe sur l'imposition de commissions ou de réduction de ses coûts risque de perdre des parts de marché sans véritablement en tirer d'avantages.

"Toute la question est de savoir si la concurrence le permettra", résume-t-il.

La banque en ligne ING-Diba dit constater une légère hausse de la demande locale pour son compte gratuit chaque fois qu'un concurrent augmente ses commissions.

"Les commissions peuvent augmenter un peu mais cela ne peut pas suffire à compenser les marges négatives", a dit Koos Timmermans, vice-président d'ING, à Reuters, ajoutant qu'ING n'avait aucune intention de revenir sur son offre de compte gratuit en Allemagne.

IMPUISSANCE GOUVERNEMENTALE

Les autorités allemandes sont tout à fait conscientes de la chute rapide des profits des banques mais la structure très décentralisée du système bancaire ne leur laisse guère de levier pour l'obliger à se restructurer d'autant que nombre d'établissements sont contrôlés par les Länder.

"Nous constatons ce qui se passe mais que pouvons nous faire ?" a dit un responsable gouvernemental qui a requis l'anonymat.

Les responsables politiques locaux ne sont pas prêts à renoncer au prestige et à la capacité d'influence sur l'économie que leur donne le contrôle sur les caisses d'épargne et les Landesbanken.

"Les responsables politiques ont traditionnellement considéré les banques comme un quasi service public pour la clientèle particulière et plus encore pour les PME et les grandes entreprises afin de soutenir l'économie allemande", explique Katharina Barten de Moody's.

Le ministère allemand des Finances met volontiers en avant les avantages de la structure actuelle du secteur, soulignant que la coexistence d'établissements de taille mondiale et de banques régionales de tailles différentes a fait ses preuves lors de la crise financière de 2008-2009, les plus petites banques jouant un rôle déterminant dans l'accès au crédit pour les entreprises locales.

"Les banques allemandes doivent trouver leur voie pour surmonter les défis auxquels elles sont confrontées", a dit une porte-parole du ministère.

PAS D'ACCELERATION DE LA CONCENTRATION EN VUE

La concurrence ne montre toutefois aucun signe d'atténuation.

"Chaque banque mène une stratégie de croissance d'une manière ou d'une autre mais au vu de la saturation du marché et de la faiblesse de la demande, cela ne prépare pas une quelconque amélioration des marges et cela va rester un problème", prévient Katharina Barten.

La réduction des coûts, en diminuant le nombre des agences, en supprimant des postes ou en réduisant la gamme de produits, constitue le principal levier à la disposition des banques mais c'est une arme à double tranchant.

HVB, filiale d'UniCrédit, a fermé la moitié de ses agences et Deutsche Bank réduit son réseau à marche forcée.

Le nombre des agences bancaires a diminué de 1.300 l'année dernière à 34.000, selon des données de la Bundesbank.

Mais les coûts de licenciement pèsent sur les résultats et les fermetures d'agences peuvent dégrader la relation avec les salariés et les clients.

Les fusions et les fermetures de banques en difficulté devraient contribuer à réduire le nombre des acteurs au cours des prochaines années alors que les taux d'intérêt devraient rester durablement bas.

Le nombre de banques publiques a un peu diminué d'années en années mais elles sont encore plus de 400. La restructuration du secteur mutualiste est un peu plus rapide avec 50 établissements de moins par an et leur nombre devrait passer sous les 1.000 cette année.

Les sociétaires de quatre banques mutualistes implantées au nord de Stuttgart ont accepté leur fusion en juin pour créer la VR-Bank Neckar-Enz afin de mieux faire face aux coûts liés aux évolutions réglementaires et à la montée du numérique.

"Dans le même temps, nous prévoyons une période prolongée de bas taux d'intérêt qui réduira en conséquence notre principale source de revenu: le revenu net d'intérêts", ont expliqué les quatre établissements pour justifier leur fusion.

Les spécialistes du secteur estiment que la résorption des excédents de capacités doit intervenir rapidement avant qu'une nouvelle phase de ralentissement économique n'oblige les banques à augmenter leurs provisions pour créances douteuses, anormalement basses ces dernières années.

Une accentuation de la consolidation entre banques publiques, mutualistes et commerciales n'est pas pour demain estime toutefois Michael Kemmer. "Je ne l'excluerais pas mais actuellement, ce n'est pas à l'ordre du jour."

(avec Gernot Heller, Reinhard Becker, Alexander Hübner, Arno Schütze, Andreas Kröner et Frank Siebelt, Marc Joanny pour le service français, édité par Wilfrid Exbrayat)

Valeurs citées dans l'article : Deutsche Bank AG, ING Groep, UniCredit SpA