Zurich (awp) - Le groupe bancaire Credit Suisse publie mercredi 27 avril ses résultats au premier trimestre 2022. Quatre analystes se sont prêtés pour AWP au jeu des pronostics:

T1 2022E
(en mio CHF)          cons. AWP     fourchette    T1 2021A    estimations

produit d'exploitation    4827      4114 - 5316       7574         4
charges d'exploitation    4959      4290 - 6266       3937         4
résultat net              -265      -432 - -124       -231         3
résultat avant impôts     -155      -579 -  135       -757         3

FOCUS: au plus tard depuis l'avertissement de mercredi dernier, il est clair que Credit Suisse a débuté l'année sur une lourde perte. Les provisions massives pour litiges juridiques, mais aussi les conséquences de la guerre en Ukraine, pèsent sur un résultat déjà grevé par la détérioration de l'environnement des affaires.

A cela s'ajoutent la réorganisation en cours et l'abandon de certains secteurs d'activité suite à la débâcle d'Archegos. Les analystes anticipent une baisse massive des recettes en comparaison annuelle.

Des rocades au sein de la direction ne sont pas exclues suite aux nouvelles négatives qui ne cessent de tomber. Pas plus tard que le week-end dernier, des articles de presse ont laissé entendre que le juriste en chef, le directeur financier et celui de la région Asie-Pacifique sont sur la sellette.

OBJECTIFS: en dévoilant sa nouvelle stratégie en novembre dernier, Credit Suisse a fixé des objectifs à l'échelle du groupe:

- Pour la division de banque d'affaires Investment Bank, une réduction du capital attribué de 3 milliards de dollars (-25%) entre 2021 et 2022 ainsi qu'une cession de l'unité dédiée aux fonds spéculatifs Prime Services, à l'origine de l'affaire Archegos. Cette division déploiera à l'avenir des activités moins gourmandes en fonds propres, orientées vers le conseil.

- La division de gestion de fortune va profiter de la réallocation des 3 milliards susmentionnés (+25%) jusqu'en 2024, afin de renforcer cette activité stratégique. Les volumes clientèle devrait atteindre 1600 milliards de francs suisses d'ici 2024, pour une masse sous gestion de 1100 milliards. Les recettes récurrentes sont attendues à plus d'un milliard. Credit Suisse prévoit également de recruter 500 conseillers supplémentaires et doper les investissements dans la technologie de 60%, toujours à horizon 2024.

- Les divisions Wealth Management, Swiss Bank et Asset Management devraient se partager deux fois plus de capital pour leurs activités en 2022 par rapport à Investment Bank (actuellement 1,5x).

- Le rendement des fonds propres du groupe devrait dépasser 10% d'ici 2024, alors que le ratio coûts-revenus ajusté est attendu autour de 70%. Des investissements doivent être consentis pour les quatre divisions à hauteur de 1-1,5 milliard par année, grâce à des économies.

- Le ratio de fonds propres durs (CET1) devrait dépasser 14% d'ici 2024, alors que le ratio de levier (CET1) est attendu à quelque 4,5%.

- En 2022, les actionnaires se verront proposer une rémunération à hauteur de quelque 25% des bénéfices, suivant les conditions de marché et économiques.

POUR MÉMOIRE:

AVERTISSEMENT: Credit Suisse a annoncé une perte trimestrielle pour le premier partiel. Le résultat est grevé de 600 millions de francs suisses en raison du relèvement des provisions juridiques, qui avoisinent désormais les 700 millions. L'impact de la guerre en Ukraine est devisé à environ à 200 millions et celui de la participation dans Allfunds à 350 millions. Ces pertes seront en partie compensées par la dissolution de provisions en lien avec l'affaire Archegos (170 millions) et des gains immobiliers (160 millions).

BERMUDES: le numéro deux bancaire helvétique a indiqué fin mars son intention de faire appel contre la décision d'un tribunal aux Bermudes à l'encontre d'une filiale locale d'assurances, un jugement qui pourrait entraîner un paiement de plus de 500 millions de dollars. L'affaire concerne les pertes subies par le milliardaire et ancien Premier ministre géorgien Bidzina Ivanichvili du fait de la mauvaise gestion d'un conseiller financier de Credit Suisse.

SUISSE SECRETS: Credit Suisse aurait, pendant des années, accepté comme clients des autocrates, des trafiquants de drogue et d'êtres humains ainsi que des criminels de guerre présumés, selon une enquête de plusieurs médias allemands, français, britanniques et étasuniens, publiée en février sous le titre "Suisse Secrets", se basant sur des informations sur les comptes de plus de 30'000 clients. L'établissement, qui avait contesté ces accusations, a lancé une enquête interne en raison des données fuitées.

PROCÈS PÉNAL: en février, Credit Suisse était sur le banc des accusés au Tribunal pénal fédéral (TPF) en raison de ses relations avec un clan bulgare impliqué dans le trafic de cocaïne, pour lequel le Ministère public de la Confédération (MPC) reproche à Credit Suisse d'avoir blanchi de l'argent entre 2004 et 2008. La banque a contesté ces accusations et s'est dite convaincue de l'innocence de son ex-employée. Le verdict n'a pas encore été prononcé.

GOUVERNANCE: mi-janvier, le président du conseil d'administration en poste António Horta-Osório a démissionné avec effet immédiat, neuf mois à peine après sa prise de fonction. Le départ précipité du Portugais a fait suite à des manquements répétés en matière de respect des règles de quarantaine, en Suisse et au Royaume-Uni. Pour lui succéder, la banque a désigné Axel Lehmann, un ancien d'UBS siégeant depuis octobre 2021 au conseil d'administration. Lors de l'assemblée générale du 29 avril, le vice-président - et accessoirement patron de Roche - Severin Schwan ne se représentera pas pour un nouveau mandat. Kai Nargolwala, président au long cours du comité de rémunération, ainsi que Juan Colombas, un proche de Horta-Osório ont également renoncé à être candidats à leur réélection.

ORGANISATION: Credit Suisse s'est doté d'une nouvelle stratégie et d'un nouveau modèle d'organisation pour début 2022. La gestion de fortune, auparavant répartie dans trois divisions, a été regroupée en une seule unité d'affaires. Le groupe comprend quatre divisions: Wealth Management (gestion de fortune), Investment Bank (banque d'affaires), Swiss Bank et Asset Management (gestion d'actifs). Dans le cadre d'une organisation matricielle, les activités ont été réparties en quatre régions: Suisse, EMEA, APAC et Amériques.

GREENSILL: l'affaire des fonds Greensill risque d'occuper la banque aux deux voiles encore longtemps. Sur les quelque 10 milliards de dollars d'actifs initiaux des fonds, Credit Suisse a pu récupérer 7,3 milliards, selon les dernières indications communiquées en avril. A ce jour, 6,75 milliards ont été remboursés aux investisseurs des quatre fonds Greensill. Revenant sur ses déclarations initiales, la banque a fait part de sa réticence à publier le rapport d'enquête interne sur la débâcle.

COURS DE L'ACTION: depuis le début de l'année, la nominative Credit Suisse s'est dépréciée de près de 20%, à l'image d'autres instituts financiers comme Partners Group ou encore Julius Bär, alors que le principal rival UBS s'est maintenu de justesse au-dessus de l'équilibre. En 2021, année boursière exceptionnelle, Credit Suisse avait écopé de la lanterne rouge du SMI avec un recul de 22%.

site web: www.credit-suisse.com

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