Londres (awp/afp) - L'éviction surprise du patron de BP Bernard Looney pose de nombreuses questions sur d'éventuels changements de stratégie ou de possibles autres mauvaises nouvelles de gouvernance chez le géant pétrolier et gazier britannique.

Les investisseurs étaient dans l'expectative mercredi après l'annonce mardi soir de la "démission" avec "effet immédiat" de l'ex-directeur général pour avoir manqué de transparence sur des relations intimes passées avec des collègues.

Il est resté moins de quatre ans aux commandes de la "major" pétrolière, l'un des plus grands noms du monde des affaires britanniques.

Le directeur financier Murray Auchincloss assure l'intérim pendant la recherche d'un remplaçant permanent.

Mercredi, l'action réagissait modérément, cédant 0,73% à 519,10 pence dans un marché en légère baisse vers 09H30 GMT et malgré une progression des cours du brut qui profitait au titre de son rival Shell.

Richard Hunter, analyste de Interactive Investor, remarque que "comparé aux amendes de milliards de dollars qui ont suivi la marée noire de Deepwater Horizon ou aux prix pétroliers négatifs pendant la pandémie, (...) cette démission est une surprise mais pas un chapitre majeur dans l'histoire de BP".

BP veut donner l'impression que "tout se poursuit comme d'habitude mais il y aura inévitablement des incertitudes sur l'intervalle requis pour trouver un dirigeant permanent" ou sur un éventuel changement dans la stratégie, ajoute-t-il.

Sophie Lund-Yates, analyste chez Hargreaves Lansdown, remarque pour sa part que "des erreurs de cette ampleur ne sont pas ce qu'on attend de l'un des plus grands patrons du pays".

"Une direction claire doit être proclamée rapidement pour limiter l'impact négatif" sur l'entreprise et son action, poursuit Mme Lund-Yates.

Dans son communiqué mardi, BP explique avoir eu connaissance en mai 2022 "d'allégations (...) relatives au comportement de M. Looney concernant des relations personnelles avec des collègues au sein du groupe".

Une enquête interne a été lancée, durant laquelle le directeur général, âgé de 53 ans et qui a pris la tête du groupe en 2020, a reconnu "un petit nombre de relations anciennes avec des collègues avant de devenir directeur général".

"Aucune violation du code de conduite du groupe n'a été constatée", mais "de nouvelles allégations d'une nature similaire" ont émergé "récemment".

Mardi, "M. Looney a informé le groupe qu'il reconnaissait n'avoir pas été totalement transparent dans ses précédentes déclarations", a conclu BP.

Bernard Looney peut notamment être crédité d'avoir mené l'un des plus grands groupes britanniques à travers les méandres de la pandémie, qui a provoqué l'effondrement des cours du pétrole et de l'activité économique.

Partie émergée de l'iceberg

L'invasion russe de l'Ukraine, à l'inverse, a fait flamber les cours des hydrocarbures et gonflé les comptes des compagnies pétrolières, mais s'est traduite par une sortie des activités en Russie et par une charge comptable colossale de plus de 24 milliards de dollars.

D'origine irlandaise, Bernard Looney était entré chez BP comme ingénieur en 1991 et y a fait toute sa carrière, occupant divers postes opérationnels et de direction dans plusieurs pays, dont les Etats-Unis, le Vietnam ou le Royaume-Uni.

Le départ de M. Looney survient dans la foulée d'une vague de démissions ou d'évictions dans le monde des affaires britannique pour des comportements sexuels répréhensibles, notamment au sein de la plus grande organisation patronale britannique, la CBI, mais aussi chez le distributeur Tesco, entre autres.

Comme le remarque Russ Mould, analyste chez AJ Bell, "l'inquiétude qui plane" est que les révélations de mardi soir soient "la partie émergée de l'iceberg et que cela reflète des problèmes plus vastes avec la culture d'entreprise chez BP".

Les analystes s'interrogent aussi sur ce que le départ de M. Looney pourrait signifier pour la stratégie environnementale du groupe.

L'Irlandais avait commencé son mandat en promettant de conduire le géant pétrolier et gazier vers la neutralité carbone.

Avant une volte-face en février, face à la pression des actionnaires devant un cours de bourse qui n'a pas retrouvé son niveau d'avant la pandémie et à la traine comparé à ses concurrents.

BP a alors indiqué qu'il comptait accroître ses bénéfices d'ici à 2030 en investissant davantage à la fois dans les énergies renouvelables et dans les hydrocarbures.

afp/lk