par Marie-Louise Gumuchian

BOSTON, Angleterre, 28 juin (Reuters) - Sylwia, immigrée polonaise, enchaîne les petits boulots et vit avec sa famille depuis six ans à Boston, petite ville de l'est de l'Angleterre où elle se sentait chez elle. Mais après le vote massif de ses habitants en faveur d'une sortie de l'Union européenne, cette mère de deux enfants, âgée de 45 ans, ne s'y sent plus la bienvenue.

"Nous avons commencé à entendre des Polonais dire que des habitants leur avaient demandé de rentrer chez eux", raconte-t-elle. "Certains ont reçu des injures, parfois de la part d'enfants. Beaucoup de gens ont peur".

La plus grande proportion de vote "Leave" a été enregistrée à Boston, qui a vu plusieurs de ses rues transformées par l'afflux de ressortissants d'Europe de l'Est ces dix dernières années. Jeudi dernier, 75,6% des votants ont choisi le Brexit à Boston.

La campagne anti-immigration des partisans du Brexit, qui avançaient par exemple que les nouveaux arrivants avaient mis les services publics à rude épreuve, ont trouvé un écho dans cette ville du Lincolnshire.

Le recensement de 2011 a montré qu'en dix ans, la proportion d'habitants d'origine étrangère, pour la plupart des Polonais venus travailler au Royaume-Uni, était passée dans cette ville de 65.000 habitants de 3,1% à 15,1%.

Désormais, la communauté polonaise de la ville craint que le sentiment anti-UE de cette campagne qui a divisé le pays ne se transforme en agression ouverte.

La police d'une région voisine, le Cambridgeshire, a indiqué que des prospectus injurieux pour la communauté polonaise avaient été distribués à Huntingdon, une ville du centre de l'Angleterre. Un graffiti appelant les Polonais à quitter le Royaume-Uni a par ailleurs été peint dimanche sur le mur d'un centre culturel polonais de Londres.

A Boston, une dizaine de Polonais interrogés par Reuters ont entendu parler d'agressions verbales. "Les gens ont peur que les comportements changent et que les Britanniques se montrent plus agressifs envers les Polonais", témoigne Patrycja Walentynowicz, cofondatrice d'une entreprise qui fournit des traductions et d'autres services à ses compatriotes polonais de Boston.

"UN MESSAGE RASSURANT"

"Une de mes amies a entendu des remarques très déplaisantes quand elle a parlé polonais à la sortie d'une école. On ne sait pas si les politiciens vont essayer de nous rassurer...", ajoute-t-elle.

"Je ne sais pas pourquoi mais, les gens... s'attendaient à ce qu'en votant pour le 'Out', nous disparaissions jour après jour", déclare Iza Paczkowska, une collègue de Walentynowicz, qui avait déjà fait part à Reuters de ses inquiétudes avant le vote. "Quand ils se sont réveillés le 24 juin et ont réalisé que nous étions toujours là, ils ont exprimé plus ouvertement leurs sentiments."

Boston, où les magasins polonais vendant du chou mariné et des saucisses fumées côtoient les boutiques lituaniennes, a été qualifiée d'"endroit le moins intégré" de Grande-Bretagne par un rapport du think tank d'obédience conservatrice Policy Exchange publié en janvier.

La semaine dernière, Jonathan Noble, un conseiller municipal portant l'étiquette du parti europhobe Ukip, a déclaré à Reuters que les Polonais "n'avaient pas de raison d'avoir peur" après le vote pour le Brexit.

"Nous leur envoyons un message rassurant", a-t-il dit. "Parmi les personnes arrivées ici, beaucoup sont venues pour travailler et on peut comprendre qu'elles veuillent une vie meilleure pour elles et leurs familles... Tout cela [le Brexit] signifie qu'à l'avenir, nous pourrons contrôler l'immigration venue de l'UE".

Le Premier ministre David Cameron a condamné les attaques envers la communauté polonaise et a promis à son homologue polonaise, Beata Szydlo, que la sécurité des ses concitoyens installés en Grande-Bretagne serait assurée.

Zeid Ra'ad Al Hussein, haut commissaire de l'Onu aux droits de l'homme, a, lui, invité mardi le gouvernement britannique à faire le nécessaire pour prévenir les actes xénophobes.

Environ 790.000 Polonais vivent en Grande-Bretagne, selon des chiffres officiels de 2014, ce qui en fait la deuxième plus grande immigration étrangère au Royaume-Uni après l'Inde. (Laura Martin pour le service français, édité par Eric Faye)