par Jonathan Lynn et Tim Hepher

La décision confidentielle de l'OMC, si elle était confirmée, pourrait plaider en faveur d'une solution négociée, souhaitée par l'UE, dans le cadre du conflit transatlantique sur le financement du secteur aéronautique, le plus important différend commercial opposant Washington à Bruxelles.

"Je vais me contenter de dire que le rapport semble exhaustif et que ses conclusions confortent l'opinion de l'Union européenne", a déclaré Karel de Gucht, commissaire européen au Commerce.

"Un examen plus minutieux est nécessaire, mais je suis encore plus convaincu qu'auparavant que la question des subventions ne peut être réglée que par la voie de négociations", a-t-il poursuivi.

En juin, l'OMC avait jugé illégales des aides européennes accordées à Airbus.

À plusieurs reprises par le passé, les deux parties se sont accusées mutuellement de désinformation et les fuites doivent être considérées avec prudence.

Le rapport confidentiel, communiqué uniquement aux autorités européennes et américaines, pourrait ne pas être rendu public avant la mi-2011.

Boeing estime que toute aide américaine susceptible d'être jugée illégale serait de peu d'importance rapportée à celles dont a bénéficié Airbus, dénoncées par l'OMC dans un dossier similaire.

De source européenne, les juges de l'OMC ont conclu en faveur de l'UE sur quelque 17 milliards de dollars de contrats de recherche accordés à Boeing par la Nasa, l'agence spatiale américaine, et par le Pentagone, ainsi que sur quatre milliards d'avantages fiscaux accordés par l'État de Washington.

Ils estiment que ces paiements enfreignent les règles de l'OMC et doivent être supprimés, a ajouté la source.

Les montants ne sont pas cités dans le rapport mais correspondent aux plaintes de l'UE.

SOLUTION NEGOCIÉE

Les experts de l'OMC n'ont toutefois pas abouti à la conclusion que les aides contestées par l'UE étaient interdites, ce qu'ils avaient fait dans une décision sur la plainte similaire des Etats-Unis visant Airbus et ce qui aurait requis des remèdes plus rapides, a précisé la source.

Dans leurs conclusions, ils rejettent en outre les plaintes européennes concernant la taxe foncière et d'autres mesures dans l'État du Kansas.

Ces informations n'ont pas été confirmées dans l'immédiat de source américaine.

Le bureau du représentant américain au Commerce (USTR) a confirmé avoir obtenu le rapport de l'OMC sur ce qu'il présente comme l'un des conflits les plus complexes et les plus longs que l'OMC ait à arbitrer. Il a précisé qu'il ne pouvait pas discuter de son contenu.

Les responsables européens espèrent que la décision de l'OMC encouragera les Etats-Unis à négocier le règlement du litige qui les opposent.

L'Union a lancé mercredi un nouvel appel en ce sens, estimant qu'il appartenait à Washington et Bruxelles de trouver une solution qui soit acceptable par les deux parties et suggérant que le président américain Barack Obama s'implique dans le dossier.

Le président américain est attendu le 20 novembre à Lisbonne pour un sommet UE/Etats-Unis et cette visite pourrait être l'occasion d'évoquer la question.

Les Etats-Unis s'opposent à toute discussion tant que l'UE n'abandonne pas ses aides destinées au financement du développement du nouvel avion d'Airbus, l'A350, que Washington assimile aux subventions condamnées par l'OMC.

Boeing soutient pour sa part que les aides publiques qui lui sont reprochées ne sont rien rapportées à celles reçues par Airbus et rappelle la décision de juin de l'OMC concernant son concurrent: l'organisation genevoise avait alors estimé que certaine des aides au lancement reçues par Airbus étaient contraires aux règles du commerce international.

"Nous sommes impatients de voir les conclusions de l'OMC dans sa décision préliminaire d'aujourd'hui sur les pratiques américaines, dont aucune n'a sur les marchés l'effet de distorsion qu'ont les aides au lancement, ni même n'approche le niveau des pratiques européennes en matière de subvention", a déclaré l'avionneur américain dans un communiqué publié avant la diffusion du rapport de l'OMC.

avec Laura MacInnis, Marc Angrand, Alexandre Boksenbaum-Granier et Nicolas Delame pour le service français, édité par Gilles Guillaume