par Tim Hepher

Les deux constructeurs aéronautiques ont chacun crié victoire en mettant en avant les points leur étant favorables dans l'avis de 1.000 pages rendu mercredi par l'OMC, qui a ordonné aux pays européens de supprimer certaines subventions accordées à Airbus pour son très gros porteur A380.

L'institution a également critiqué d'autres aides publiques, d'un montant moins élevé, en faveur d'autres modèles produits par l'avionneur européen, mais a rejeté plusieurs points soulevés par la partie américaine.

Les Etats-Unis estiment que l'avis de l'OMC montre que les Etats de l'Union européenne (UE) doivent s'abstenir d'offrir davantage de prêts au développement pour le futur Airbus A350, qui sont au coeur du conflit initial.

Boeing estime en outre que son concurrent doit rembourser environ quatre milliards de dollars (3,2 milliards d'euros) de prêts accordés pour l'A380 ou les restructurer pour les convertir en prêts commerciaux.

Airbus rejette ces deux points. L'avionneur européen affirme que le groupe spécial de l'OMC qui a rendu le rapport n'a ni indiqué le montant des subventions à réajuster, ni accusé le groupe européen d'avoir caché le système de financement européen dans son ensemble, seulement certains détails.

AIRBUS : "BOEING PREND SES DÉSIRS POUR DES RÉALITÉS"

"Boeing prend ses désirs pour des réalités (...), l'A350 n'est pas concerné par les conclusions de l'OMC. De concert avec les quatre Etats (la France, l'Allemagne, l'Espagne et le Royaume-Uni), nous avançons à toute allure", a déclaré Rainer Ohler, directeur de la communication d'Airbus.

Boeing estime de son côté qu'un principe juridique a été fixé.

"La poursuite de projets visant à fournir quatre à cinq milliards de dollars d'argent public à Airbus pour l'A350 à des conditions différentes de celles du marché serait non seulement inacceptable mais interdite par la décision de l'OMC", a indiqué un porte parole du groupe américain.

"Il est vraiment temps qu'Airbus vole de ses propres ailes. C'est une entreprise mûre, le plus grand fabricant mondial d'avions commerciaux avec une trésorerie de près de neuf milliards d'euros," a-t-il ajouté

"Il est parfaitement capable d'utiliser ses propres liquidités et d'avoir recours à des prêts commerciaux pour financer le développement de ses avions."

Dans son rapport, le "groupe spécial" de l'OMC a estimé mercredi que l'avionneur européen n'a pu lancer une série d'avions civils que grâce aux subventions de l'UE et des Etats membres que sont la France, l'Allemagne, l'Espagne et le Royaume-Uni.

Sans ces aides, Airbus aurait été une entreprise très différente et nettement moins puissante, indique le rapport.

Les Etats-Unis estiment que les prêts accordés à Airbus l'ont été avec des modalités particulières et sont illégalement liés aux exportations, ce que dément l'UE.

La question du remboursement des aides publiques passées est un point sensible - il s'agit de savoir si les décisions de l'OMC font vraiment autorité.

Aucune subvention n'a jamais été remboursée, soulignent des juristes. En principe, les décisions commerciales ne sont pas rétroactives.

Malgré tout, l'UE devrait faire appel de la décision de l'OMC d'ici 30 jours.

"Nous sommes assez optimistes sur le fait qu'un appel de l'UE a de bonnes chances de réussir et de résoudre les nombreux points que nous ne comprenons pas dans le rapport actuel", a déclaré Rainer Ohler.

EADS, maison mère d'Airbus, a clôturé en chute de 2,87%, à 16,385 euros, tandis que vers 16h00 GMT, Boeing cédait 1,4%, à 61,87 dollars.

Benoit Van Overstraeten et Alexandre Boksenbaum-Granier pour le service français, édité par Danielle Rouquié