par Abhinav Ramnarayan et Helene Durand

LONDRES, 6 janvier (IFR) - Quatre traders spécialisés sur la dette des émetteurs souverains, supranationaux et d'agences étatiques (SSA) font l'objet d'une enquête du département américain de la Justice (DoJ) pour une manipulation présumée de cours sur le marché obligataire, ont dit plusieurs sources au fait du dossier à IFR, une filiale de Thomson Reuters.

Ces traders -- Hiren Gudka de Bank of America Merrill Lynch (BAML), Amandeep Singh Manku du Crédit agricole, Bhardeep Singh Heer de Nomura et Shailen Pau de Credit suisse, tous basés à Londres, ont quitté leur poste dans l'attente des conclusions de l'enquête.

BAML, Nomura et Credit suisse se sont refusé à tout commentaire. Crédit agricole n'a pas donné suite aux demandes de réaction. Gudka, Manku, Heer et Pau n'ont pas donné suite aux tentatives d'IFR pour les contacter et n'ont pas pu être joints directement.

Le DoJ enquête sur des allégations selon lesquelles des traders SSA de différentes banques se seraient entendus sur les prix et auraient partagé des informations sur certaines obligations en dollar au sein de groupes de discussion sur internet créés dans ce but, ont dit les sources. Le DoJ s'est refusé à tout commentaire.

Les obligations concernées sont celles d'émetteurs souverains, d'agences étatiques comme la banque publique de développement allemande KfW ou d'émetteurs supranationaux comme la Banque européenne d'investissement.

Un trader sur des obligations SSA, qui a requis l'anonymat, a dit que le recours aux services de messagerie instantanée permanents de Bloomberg était habituel dans la City mais que les banques d'investissement avaient cessé de les utiliser après une série de scandales retentissants. Il a ajouté que le groupe des traders faisant l'objet d'une enquête du DoJ créait un nouveau groupe de discussions chaque jour pour leurs échanges sur les prix et l'activité sur le marché.

La justice américaine cherche à déterminer si les échanges dans ces groupes de discussions ont pu conduire à des manipulations de cours sur le marché, ont dit les sources.

Bloomberg avait rapporté le mois dernier que le DoJ enquêtait sur une manipulation présumé sur le marché des SSA et que les autorités américaines se concentraient sur l'activité de traders londoniens, avant 2014 pour l'essentiel. Bloomberg n'avait donné aucune précision sur les personnes ou les établissements potentiellement concernés.

Avant de rejoindre BAML en avril 2014, Gudka avait travaillé pour Deutsche Bank qui s'est refusée à tout commentaire.

Le marché des SSA est certes très important en volume avec 843,35 milliards de dollars émis sur la seule année dernière mais il est aussi très concurrentiel et les commissions perçues par les banques sur le marché primaire sont très faibles.

L'enquête du DoJ intervient dans un contexte de forte volatilité sur les marchés obligataires secondaires en raison de la divergence des politiques monétaires entre les Etats-Unis et la zone euro, notamment.

"Je ne voudrais vraiment pas être trader sur le marché secondaire (des SSA) en ce moment. Il y a un ou deux gros investisseurs qui dictent les prix sur le marché", a dit un représentant d'un syndicat de placement. "Donc si vous pouvez parler à un autre trader et vous vous mettez d'accord pour vendre une obligation à un certain prix et pas en-dessous, cela fera une énorme différence."

De plus, la base d'investisseurs sur le marché des SSA est relativement étroite et dominée par une trentaine de banques centrales et quelques grands fonds spéculatifs, dont les spécialistes disent qu'ils exercent une forte pression sur les émetteurs pour que les banques assurent les meilleurs prix sur le marché secondaire.

(avec Sarah Lynch à New York, Marc Joanny pour le service français, édité par Wilfrid Exbrayat)