Le nom de son successeur a été annoncé dans la foulée: il s'agit de Brian Moynihan.

John Thain, âgé de 53 ans, était à la tête des activités de banque à l'international, du courtage et de la gestion de fortune de Bank of America, après le rachat de Merrill.

La semaine dernière, le directeur général de Bank of America, Kenneth Lewis, s'était montré effaré par l'ampleur des pertes liées aux crédits immobiliers et à certains titres de dettes douteux dans les livres de comptes de Merrill.

Selon les observateurs du secteur, le montant des pertes de avait rendu très précaire la situation de John Thain.

Mais il y a encore une semaine Kenneth Lewis déclarait à des investisseurs qu'il était satisfait que John Thain reste.

"Ken Lewis a pris l'avion pour New York aujourd'hui, a rencontré John Thain. Ils sont tombés d'accord pour dire qu'il n'y avait pas de solution à sa situation et qu'il devait démissionner", a déclaré un porte-parole de Bank of America.

En Bourse, Bank of America perdait plus de 13% dans l'après-midi.

Bank of America avait menacé de ne pas racheter Merrill Lynch après le vote des actionnaires des deux sociétés le 5 décembre, mais Lewis avait dit avoir fait l'objet de pressions de la part des autorités de régulation pour que le mariage aille à son terme.

La semaine dernière, le gouvernement américain a octroyé une aide de 20 milliards de dollars à Bank of America pour absorber Merrill et annoncé le partage des pertes sur un montant de 118 milliards de dollars de dette.

Selon Bank of America, Merrill a perdu 15,31 milliards de dollars au quatrième trimestre 2008. En outre, Bank of America a perdu elle-même 1,79 milliard lors du trimestre. Il s'agit de son premier déficit en 17 ans.

GOÛTS DE LUXE

"Il y a un énorme problème de crédibilité", commente David Dietze (Point View Financial Services). "Il faut que des têtes tombent."

Par ailleurs, selon la chaîne de télévision CNBC, John Thain aurait eu des goûts de luxe. Il aurait engagé un décorateur d'intérieur pour faire redécorer son bureau chez Merrill voici un an, moyennant une facture de 1,22 million de dollars dont plus de 35.000 dollars pour une "commode sur pieds".

Les indemnités de départ de Thain seront précisées ultérieurement, a indiqué le porte-parole.

Bank of America a racheté Merrill le 1er janvier pour 19,4 milliards de dollars. Lewis et Thain ont négocié la fusion en moins de 48 heures, le week-end durant lequel Lehman Brothers a déposé son bilan. Il avait été crédité d'avoir évité un sort similaire à Merrill.

Plusieurs autres dirigeants de Merrill ont connu le même sort que John Thain, comme Robert McCann, qui devait diriger l'activité de courtage issue de la fusion, et le patron de la banque d'investissement Greg Fleming.

En revanche, Tom Montag, un autre ancien responsable de Merrill qui avait repris le volet commercial de Bank of America, le trading et l'analyse financière, reste en place, contrairement à ce qu'avait annoncé CNBC.

Après avoir rejoint Bank of America, Thain passait pour être candidat à la succession de Lewis mais le bruit courait qu'il n'avait pas l'intention d'être le subordonné de Lewis, 61 ans, trop longtemps.

Bon nombre d'investisseurs et d'analystes ont en revanche reproché à Lewis d'avoir surpayé Merrill et de n'avoir pas renégocié l'opération au moment où les pertes de l'ancienne banque d'affaires sont apparues dans toute leur ampleur.

Plusieurs plaintes ont été déposées contre Bank of America cette semaine. La banque est accusée d'avoir conclu cette fusion en toute hâte ou encore de n'avoir pas révélé l'étendue des pertes à temps.

Lewis s'est défendu en déclarant que de hauts fonctionnaires du gouvernement l'avaient pressé, en décembre, de conclure l'affaire rapidement.

Jon Stempel, version française Wilfrid Exbrayat et Danielle Rouquié