Au lendemain des élections législatives remportées par le Parti populaire (PP) de Mariano Rajoy, la Banque d'Espagne a lundi pris le contrôle de Banco de Valencia, injectant un milliard d'euros dans l'établissement à court de liquidité.

Le sauvetage de Banco de Valencia, dont les actifs représentent moins de 1% du système bancaire espagnol, pose la question de savoir combien d'autres établissements vont se trouver incapables de se financer au jour le jour, alors que nombre d'entre eux sont de plus en plus dépendants des financements d'urgence de la Banque centrale européenne (BCE).

"La liquidité est en train d'être pompée hors du jeu", juge un analyste basé à Londres. "Si Banco de Valencia a besoin d'un milliard d'euros et que c'est seulement 1% du secteur, alors les chiffres ne feront que grimper."

Le PP, qui mettra sur pied un gouvernement mi-décembre, n'a pas dévoilé comment il compte s'y prendre pour aider un système bancaire très fragmenté et qui pâtit de l'éclatement d'une bulle immobilière.

"Les messages sont très flous et contradictoires", estime un banquier espagnol.

Selon des sources bancaires, le PP envisage la création d'une structure de défaisance ("bad bank") pour reprendre les actifs immobiliers toxiques qui gangrènent les bilans des banques, même si Mariano Rajoy s'est dit peu favorable à cette possibilité.

"Ce qu'ils veulent faire n'est pas clair, ils ont évoqué la possibilité d'une 'bad bank'", souligne un autre banquier espagnol. "Le problème d'une 'bad bank', c'est qu'elle est très difficile à financer et qu'il faut fixer le prix des actifs."

MOMENT MAL CHOISI

Et le gouvernement semble n'avoir personne vers qui se tourner pour trouver des fonds: ni le Fonds européen de stabilité financière, insuffisamment pourvu, ni les investisseurs privés, peu enthousiastes à l'idée de prendre un tel risque, ni le Trésor et ses emprunts, trop onéreux.

En outre, même si l'expérience réussie d'une 'bad bank' en Irlande peut sembler alléchante, il pourrait être désastreux de suivre cet exemple au moment où la zone euro semble sur le point de s'effondrer, jugent analystes et banquiers, car cela mettrait en lumière l'immense besoin d'argent d'un gouvernement qui tente déjà de contenir son déficit.

"Une fois qu'on a mis sur pied une 'bad bank', l'Etat doit payer pour les actifs. Je crois qu'une 'bad bank' coûterait tellement d'argent (à l'Espagne) qu'ils ne peuvent pas se le permettre", souligne un analyste londonien.

Le cas Dexia et la difficulté de trouver 90 milliards d'euros pour renflouer la banque franco-belge à l'heure où les rendements des obligations françaises et belges sont sous pression montrent bien que le moment n'est pas idéal.

L'Espagne a injecté 18,6 milliards d'euros de capitaux dans son système bancaire à ce jour, dont une partie sous forme de prêts. Le fonds public de restructuration bancaire FROB dispose d'environ 3,3 milliards d'euros de réserves.

Quant à encourager les fusions entre des établissements faibles et en délicatesse avec leur financement, cela pourrait n'entraîner que de futurs problèmes.

"Fusionner, c'est prendre une banque déjà fragile et la faire broyer par une énorme meule", juge Pedro Schwartz, professeur d'économie à l'université San Pablo de Madrid.

"On ne peut pas dire que ce sont des banques d'importance systémique. Banco de Valencia n'est pas Lehman Brothers."

Jean Décotte pour le service français