* Réagir vite aux campagnes visant les intérêts français-Le Drian

* Deux propositions de loi à l'Assemblée

* Les Français favorables à une instance de contrôle-sondage

PARIS, 4 avril (Reuters) - La loi sur les fausses nouvelles en préparation à l'Assemblée se verra adjoindre des mesures sur le plan diplomatique et dans les écoles, ont annoncé mercredi Jean-Yves Le Drian et Françoise Nyssen, face à un constat de menaces sur les démocraties.

Deux propositions de loi ont été déposées par la majorité sur le sujet à l'Assemblée, l'une organique (c'est-à dire touchant à l'organisation des pouvoirs publics) et l'autre ordinaire.

La première, qui entend introduire la possibilité d'engager une procédure en référé pour suspendre la diffusion d'une fausse information en période d'élection présidentielle, a été confiée à la commission des Lois ; la seconde, qui contient le reste des mesures, à celle des Affaires culturelles.

Le texte a d'ores et déjà été envoyé au Conseil d'Etat pour avis et son passage en première lecture est attendu à l'Assemblée autour du 11 juin, a-t-on appris dans les rangs de la majorité. Il a vocation à être effectif pour les élections européennes de mai 2019.

La proposition de loi prévoit notamment la création d'un devoir de coopération pour les plateformes (Facebook, Twitter), impliquant un dispositif de signalement en lien avec les autorités compétentes et l'obligation de rendre publics les moyens alloués à la lutte contre les contenus illicites.

En période électorale, une obligation de transparence des plateformes sur les contenus sponsorisés qu'elles diffusent est prévue, ainsi qu'une procédure de référé judiciaire permettant de suspendre la diffusion de fausses nouvelles dans les 48 heures suivant leur parution.

"Nous ne voulons pas de censure privée", a dit Françoise Nyssen, assurant que la décision de suspension d'une information reviendrait aux juges plutôt qu'aux plateformes, en ouverture d'une conférence organisée mercredi par le Quai d'Orsay sur "les démocraties face aux manipulations de l'information".

Une liste noire des sites spécialisés dans la désinformation est envisagée à destination des annonceurs, afin d'endiguer leur financement. La ministre a annoncé en outre un doublement dès cette année du budget de l'éducation aux médias, de trois à six millions d'euros, en vue de toucher une classe d'âge d'ici la fin du quinquennat.

QUI GÈRE DES FAUX COMPTES PAR MILLIERS ?

Le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian a jugé pour sa part insuffisant le terme de fausse nouvelle (fake news), préférant lui substituer celui de manipulation de l'information.

"La prise de conscience s'est accélérée avec la série noire des dernières élections y compris en France", a-t-il estimé en clôture de la conférence. "Elles ont toutes été marquées par la diffusion de fausses nouvelles et par des attaques informatiques dont le but était de troubler l'ordre public" a-t-il ajouté, citant la présidentielle américaine, le référendum sur le Brexit au Royaume-Uni, mais aussi le scrutin catalan en Espagne.

Au sein du ministère des Affaires étrangères, la direction de la communication et de la presse sera chargée de mettre en place un système de veille et d'alerte "afin que nous puissions réagir rapidement à une campagne de manipulation de l'information visant nos intérêts à l'étranger", a-t-il annoncé. Les services de presse du réseau diplomatique français seront également sollicités.

"Nous devons demain être en mesure de dire qui gère des faux comptes par milliers, qui oriente leurs prises de position et lorsque ce sont des Etats - ça peut arriver - dénoncer les actions pour ce qu'elles sont, c'est-à-dire des actions hostiles visant à porter atteinte à notre mode de vie et à nos institutions", a déclaré le chef de la diplomatie française.

"S'agissant en général de pays ayant fait de la non-ingérence et du respect de la souveraineté la pierre angulaire de leur discours international, cette perspective ouvre la voie certainement à des explications publiques intéressantes", a-t-il ajouté, citant par ailleurs les sites russes Sputnik et Russia Today comme l'exemple de plateformes de propagande d'une ère nouvelle.

"C'est d'abord et avant tout un sujet russe", reconnaissait-on la veille dans l'entourage du ministre.

Selon un sondage BVA-La villa numeris publié mercredi, les Français préfèrent internet (62%) et la télévision (62%) pour s'informer, à la radio (49%) et la presse écrite (32%). Peu confiants dans l'autorégulation des plateformes, ils sont 76% à être favorables à la création d'une autorité publique indépendante de régulation. (Julie Carriat et Elizabeth Pineau, édité par Sophie Louet)

Valeurs citées dans l'article : Twitter Inc, Facebook, Alphabet