par Brian Rohan et Matthias Blamont

Si l'Allemagne a insisté vendredi sur le caractère "constructif" d'entretiens organisés la veille à Berlin - l'adjectif éloigne momentanément le spectre d'une catastrophe industrielle que représenterait un désengagement complet du projet -, des sources proches des discussions ont prévenu que des propositions concrètes de part et d'autre se faisaient toujours attendre.

EADS espère boucler un accord d'ici à la fin du mois de janvier. Compte tenu de la complexité du dossier, certains experts ont toutefois fait observer qu'une annonce officielle était susceptible de n'intervenir que début février, lors d'un sommet informel de l'Otan à Istanbul.

L'A400M, plombé par des retards et des dérapages budgétaires estimés à 55% de son prix initial, est désormais au centre d'une négociation âpre qui vise à définir les modalités futures du partage de ses surcoûts entre le groupe européen d'aéronautique et de défense et les sept pays de lancement: France, Espagne, Allemagne, Royaume-Uni, Belgique, Luxembourg et Turquie.

EADS, pressé de préserver son équilibre financier, l'avenir de plusieurs projets stratégiques comme celui du futur avion long courrier A350 XWB et sa rentabilité, doit composer avec des gouvernements aux marges financières réduites par la crise et soucieux de se montrer fermes face à leurs opinions publiques.

"Chacun a mis ses propres revendications sur la table (jeudi et vendredi) et (donc) il n'y a pas eu de grandes avancées", a déclaré à Reuters une source qui a requis l'anonymat.

"PAS À N'IMPORTE QUEL PRIX"

Le coût du développement de l'A400M, assemblé par Airbus, division d'EADS, était initialement évalué à près de 20 milliards d'euros pour 180 appareils. Selon un audit du cabinet PriceWaterhouseCoopers, 11 milliards d'euros d'investissements supplémentaires pourraient être nécessaires.

A ce jour, EADS a déjà passé 2,4 milliards d'euros de "provisions A400M" dans ses comptes.

Une source a assuré que Berlin était opposé à la division de la commande d'appareils A400M en tranches, une solution qui avait été avancée il y a quelques semaines sur l'exemple du modèle de livraisons de l'avion de combat européen Eurofighter.

L'initiative aurait l'avantage de ne pas mobiliser davantage de fonds dans l'immédiat - soit jusque vers 2020 - mais diminuerait mécaniquement le nombre d'appareils livrés, une option dont certains états-majors ne veulent pas entendre parler.

"La base de la négociation a toujours été et sera ce qui avait été convenu par contrat. Nous tenons à l'A400M mais pas à n'importe quel prix", a indiqué cette source proche de la partie allemande, premier client du programme avec 60 appareils commandés.

L'audit de PWC, dont Reuters a obtenu une copie, stipule que les coûts du programme A400M ont été en permanence sous-évalués. Selon les auditeurs, EADS est en mesure de supporter jusqu'à 7,6 milliards d'euros de pertes sur l'appareil.

"Ce que l'audit semble signifier, c'est que les gouvernements pourraient seulement offrir une somme justifiant la poursuite du programme par EADS. (Cette somme) ne serait cependant pas suffisamment élevée pour préserver les actionnaires du groupe", a commenté Nick Cunningham, analyste auprès du bureau d'analyse Evolution Securities.

PWC souligne également qu'une augmentation du capital d'EADS pourrait être indispensable si les négociations échouaient et si les coûts poursuivaient leur inflation. Cette éventualité amènerait nécessairement les actionnaires français et allemands de l'entreprise, dont le groupe de médias français Lagardère et le constructeur automobile allemand Daimler, à redéfinir le contrôle du groupe.

Une autre source indiquait vendredi soir que le président Nicolas Sarkozy et la chancelière allemande Angela Merkel pourraient évoquer le dossier A400M lors d'une réunion bilatérale à Paris programmée début février.

L'action EADS a clôturé en baisse de 1,49% vendredi à la Bourse de Paris, à 14,18 euros.

Avec la contribution de Tim Hepher, Sabine Siebold, James Regan, édité par Dominique Rodriguez