Il s'agit d'une décision préliminaire qui sera appliquée seulement si la Commission américaine du commerce international (ITC) donne raison à Boeing dans son jugement définitif attendu en 2018.

Le Québec et la Grande-Bretagne ont menacé mercredi de prendre des mesures de rétorsion.

Le Premier ministre du Québec où Bombardier est un employeur important, Philippe Couillard, a demandé à Ottawa de faire en sorte que "pas un boulon, pas une pièce détachée, pas un avion de Boeing" ne soit autorisé à entrer au Canada tant que le contentieux n'aurait pas été réglé.

"Boeing a peut-être gagné une bataille, mais laissez-moi vous dire que la guerre est loin d'être terminée. Et nous la gagnerons", a-t-il dit à la presse, en dénonçant une "attaque" contre le Québec et contre le Canada de la part des Etats-Unis.

A Ottawa, le Premier ministre canadien Justin Trudeau a souligné que son gouvernement était "déçu, et je vais continuer à me battre pour de bons emplois canadiens". Le ministre canadien du Commerce, François-Philippe Champagne, a parlé quant à lui d'une décision "déplorable".

Boeing accuse Bombardier d'avoir vendu ses CSeries à perte l'an dernier aux Etats-Unis grâce à des subventions publiques au Canada. L'avionneur américain affirme notamment que la commande de 75 CSeries, un avion de 110 à 130 places, passée en avril 2016 par Delta Air Lines a été remportée par Bombardier avec les mêmes méthodes commerciales déloyales employées dans les années 1990 par l'européen Airbus.

"Ce différend n'a rien à voir avec une volonté de limiter l'innovation ou la concurrence, que nous jugeons bienvenues. Cela a plutôt complètement à voir avec le fait d'être sur un même pied d'égalité et de garantir que les entreprises aérospatiales respectent les accords commerciaux", a réagi Boeing dans un communiqué.

Bombardier s'est dit "totalement en désaccord" avec la décision du département du Commerce, en jugeant "absurde" l'ampleur de la pénalité imposée. Le département du Commerce n'a pas précisé comment il avait calculé ces droits de douane de 219,63%.

INQUIÉTUDES EN GRANDE-BRETAGNE

Le directeur général de Delta, Ed Bastian, a dit ne pas s'attendre à voir les autorités américaines imposer des droits exhorbitants sur les appareils produits par Bombardier. La demande de Boeing est "absurde", a-t-il jugé, qualifiant la plainte de l'avionneur américain "d'hypocrisie ultime".

Le gouvernement du Québec a investi un milliard de dollars canadiens dans le programme CSeries, a expliqué Philippe Couillard en affirmant que Bombardier n'avait pas touché "un centime" de subventions publiques.

A la Bourse de Toronto, l'action Bombardier a perdu jusqu'à 13,7% à l'ouverture mercredi avant de réduire ses pertes. A la clôture, le titre a perdu 7,49% à 2,10 dollars canadiens après un plus bas depuis décembre 2016 de 1,96.

Pour convaincre l'ITC, Boeing doit prouver que les pratiques commerciales de Bombardier lui ont porté préjudice bien qu'il n'ait pas présenté d'avion concurrent du CSeries pour la commande de Delta, souligne Dan Pearson, ancien président de l'ITC, qui exprime ainsi ses doutes sur l'issue de la procédure.

D'après une source du secteur aéronautique, Boeing voit les pratiques commerciales de Bombardier comme une menace à long terme.

Au-delà des tensions entre les Etats-Unis et le Canada, cette querelle commerciale pourrait avoir des répercussions jusqu'au Royaume-Uni, Bombardier étant le premier employeur industriel d'Irlande du Nord.

Sur Twitter, la Première ministre britannique, Theresa May, s'est dite mercredi matin "amèrement déçue par la "décision préliminaire" du département américain du Commerce. Quelque 4.200 emplois pourraient être menacés en Irlande du Nord, où sont construites les ailes des CSeries.

"Le gouvernement continuera de travailler avec la compagnie pour protéger des emplois vitaux en Irlande du Nord", a-t-elle ajouté.

Les autorités britanniques ont déclaré mercredi que Boeing pourrait perdre des contrats de défense au Royaume-Uni du fait de ce contentieux.

(avec Kate Holton à Londres; Bertrand Boucey, Henri-Pierre André et Eric Faye pour le service français)

par Allison Lampert

Valeurs citées dans l'article : Airbus SE, Boeing Company (The), Bombardier, Inc.