Rupert Murdoch est un des barons des médias les plus puissants de l’histoire. Grâce à une présence dans de nombreuses sphères médiatiques (télévision, cinéma, presse, éditions…) notre baron jouit d’une influence considérable. Il possède les chaînes de télévision américaines Fox, Fox news, Fox Sport, National Geographic ou encore la chaîne de télévision par satellite Sky Italia. Dans le domaine du cinéma, il est propriétaire du studio Twentieth Century Fox, Fox 2000 pictures et Fox music. Son influence au sein de la presse est remarquable, il possède le Wall Street Journal, Dow Jones, News of the world, The sun ou encore The Times. A cela s’ajoute une présence dans l’édition via Harpercollins et dans de nombreuses autres activités (markéting, internet, publicité...)

Le chiffre d’affaires de News Corporation (32,9 milliards de dollars en 2010) témoigne de la puissance de l’empire Murdoch.

L’affaire des écoutes illégales
En 2009, alors que le quotidien britannique Guardian révèle que de nombreuses personnalités affirment avoir été espionnées, Scotland Yard refuse de mener l’enquête. Face à ce silence, Guardian continue sa quête de la vérité. En 2010, le quotidien accuse à nouveau News Corporation d’avoir dépensé plusieurs millions de livres pour éviter des procès pour écoute. Suite à une longue enquête, le « New York Times », concurrent aux Etats-Unis du «Wall Street Journal », confirme ces allégations.

Mais ce n’est que début juillet, que l’affaire explose véritablement. Le 4 juillet, Guardian affirme que le tabloïd britannique News of the World a piraté le portable de Milly Dowler, une collégienne de treize ans assassinée en 2002. Sa messagerie aurait été écoutée par des employés de News of the World. Plus grave encore, certains messages auraient été effacés afin de permettre la réception de nouveaux, faisant ainsi croire à la police et aux parents de la fillette qu’elle été encore vivante. Tous ces procédés avaient pour seul but de décrocher des scoops. Dans la foulée, BBC révèle que le journal a versé de l'argent à la police en échange d'informations et que ces versements ont été autorisés par Andy Coulson.

Une fois éclaboussé par le scandale, l’empire de Rupert Murdoch s’effrite. Les annonceurs de retirent leurs campagnes de publicité et Murdoch se voit contraint de fermer le tabloïd né 168 ans plus tôt. Le dernier numéro, intitulé "Thank you and Good Bye" paraît le 10 juillet 2011. Rebekah Brooks, directrice générale de News International et ex-rédactrice en chef de « NoW » en 2002, lorsque l’affaire Milly Dowler fait la une des journaux, présente sa démission le vendredi 15 juillet.

La défense de Rupert Murdoch
« James et moi sommes vraiment désolés. J’ai possédé 200 journaux. Mais je n’ai jamais été aussi écœuré et autant en colère que lorsque j’ai appris ce que les Dowler (parents de la fille tuée, ndlr) ont vécu. Je sais qu’aucune excuse ne pourra jamais réparer ce qui s’est passé. Mais je veux qu’ils sachent la profondeur de mon chagrin. Je vais travailler sans relâche pour mériter leur pardon […] Envahir la vie privée des gens et écouter leurs messages vocaux, c’est mal. Payer des policiers pour des informations, c’est mal. » Tels sont les mots que Rupert Murdoch a prononcé face aux députés britanniques hier.

Notre baron affirme ne pas avoir eu connaissance ni des écoutes téléphoniques réalisées par des journalistes de News of the World ni des pots-de-vin versés à la police pour obtenir des scoops. Pour Murdoch, ces pratiques d’espionnage relèvent d’individus isolés. Le magnat de la presse rappelle que son groupe est composé de 53 000 personnes et qu’il est donc impossible d’être tenu au courant de tout ce qui se passe au sein de son tabloïd britannique, qui est « si petit à l’échelle de son groupe ».

Les enjeux
Cette affaire risque de faire vaciller l’empire Murdoch. Et la première conséquence est déjà tombée. Le milliardaire a du retirer son offre pour acquérir l’intégralité du capital de BSkyB, la plus grosse opération qu’aurait faite News Corporation (Lire l’article News Corp jette l’éponge pour le rachat de BskyB). L’action News Corp. a, quant à elle, perdu près de 6% à la Bourse de New York depuis le début du mois de juillet.

En plus des enjeux économiques et financiers, un enjeu politique semble émerger. Le premier ministre britannique, David Cameron, pourrait être lié à l’affaire. En fait, David Cameron est surtout vulnérable en raison de ses liens avec Andy Coulson. Ce dernier, devenu porte parole du Premier ministre avant de démissionner fin janvier 2011 était auparavant rédacteur en chef de News of the World, poste dont il a démissioné en janvier 2007. A l'époque déjà, des rumeurs d'écoutes illégales planaient au dessus du tabloïd et tout porte à croire qu'Andy Coulson était au courant.

Cette affaire remet également sur le devant de la scène la question de la succession de Rupert Murdoch. Jusqu’à présent, son fils, James Murdoch, était considéré comme l’héritier naturel du groupe (Lire l’article Rupert Murdoch nomme son fils PDG de la division internationale de News Corp). Oui mais voilà, le scandale des écoutes pourrait contrarier ces plans. Pour certains, James Murdoch a une certaine responsabilité dans la mesure où il est le président de News International, la branche britannique de News Corp.

Ce serait alors Elisabeth, une des filles de Murdoch qui pourrait reprendre les rênes du groupe. Elle dirige actuellement la plus grande société de production de télévision indépendante au monde, Shine, créé en 2001 et rachetée par News Corp. en février dernier. (Lire l'article News Corp finalise l'acquisition de Shine Group pour 670 millions de dollars)

Enfin, parvenir à préserver la réputation du groupe apparait également comme un enjeu de taille. L’empire Murdoch pourrait pâtir de ce scandale. Le récent piratage du site internet du tabloïd « The Sun » serait-il un signe de cette renommée entachée ? Le site du Sun piraté annonçait la mort de Rupert Murdoch par ingestion excessive de palladium !

Pauline Raud