Selon ce financier américain d'origine hongroise, âgé de 82 ans, l'Europe file vers une longue dépression et une fin douloureuse de son processus d'unification si des mesures ne sont pas prises pour aider les pays du sud du continent à s'en sortir, en assumant collectivement une partie de la dette et en oubliant son obsession pour l'austérité, dictée par l'Allemagne.

"L'Allemagne devrait être le moteur du développement d'une politique de croissance, d'une union politique et d'un partage des coûts, et accepter le prix d'un tel leadership, ou s'en aller avec un arrangement à l'amiable", a déclaré Soros dans une interview accordée à Reuters TV à Vienne.

George Soros, philanthrope libéral devenu célèbre en spéculant contre la livre britannique en 1992, affirme qu'une zone euro sans l'Allemagne pourrait être plus compétitive en terme d'exportations et assurer le service de sa dette de façon moins coûteuse avec un euro "latin" plus faible, emmené par la France.

Dans le cas contraire, l'Allemagne devrait accepter et intensifier le rôle moteur qui lui revient de facto, et abandonner sa position idéologique, dictée par la Bundesbank, opposée au financement par les banques centrales des Etats et favorable à une inflation strictement limitée à 2%.

Le gouvernement allemand a néanmoins salué le nouveau programme de la BCE dévoilé jeudi, qui prévoit le rachat d'obligations souveraines sur le marché secondaire afin de réduire les coûts de financement de pays de la zone euro sous pression, pourtant critiqué par la Bundesbank.

"TOUT DROIT VERS LA DÉPRESSION"

Soros estime que ce programme pourrait accorder à l'Europe "plus de temps que les mesures précédentes". "C'est une démarche plus spectaculaire", a-t-il ajouté, mais il a prédit que ni l'Espagne, ni l'Italie ne feraient appel à ce programme.

Selon lui, l'Europe aurait davantage besoin d'une "zone d'euro-obligations", une hypothèse pour l'instant rejetée par Berlin.

"Ensuite, elle a besoin de pouvoir croître, il lui faut un programme de croissance et là encore ce n'est pas ce que l'Allemagne impose à l'Europe."

Le milliardaire américain dresse un parallèle entre la crise de la zone euro et la crise financière de 1982, quand les prêteurs ont protégé le système bancaire mondial en ne prêtant aux pays endettés que le strict minimum, les obligeant à adopter des programmes d'austérité sévères qui les ont menés à la dépression.

"C'était la décennie perdue de l'Amérique latine et quelque chose de très similaire est en train de se passer dans la zone euro, avec l'Allemagne qui joue le même rôle pour l'euro que le FMI ne le faisait au sein du système financier mondial", a-t-il estimé. "Cette politique mène l'Europe tout droit vers une dépression qui va durer cinq ou dix ans."

Georgina Prodhan; Baptiste Bouthier pour le service français