Bien sûr, la succession d'Antoine Bernheim n'est pas une nouveauté. Dans la première moitié de l'année, le conseil d'administration lui avait demandé : « faites en sorte de préparer votre succession d'ici la fin de votre mandature », soit d'ici avril 2009. Il faut dire qu'en dépit de sa vigueur, Antoine Bernheim a 83 ans.

Tout a commencé lorsqu'au soir du 24 octobre, Giovanni Perissinotto, DG du groupe, dément des informations de presse provenant du journal Mercati & Finanza et indiquant qu'un actionnaire, The Childrens Investment Fund (TCI), se serait plaint au management de sa stratégie. « Ce n'est qu'une rumeur. Il n'y a eu aucune demande officielle », jette-t-il.

Pilonnage en règle de Generali par Algebris Investments
Mais le 25 octobre, le ton change : un fonds d'investissement britannique dont on ne sait pas grand chose, Algebris Investments – Trends indique que TCI fait partie de ses actionnaires –, s'invite au capital de Generali en prenant 0,3% des parts et des options pour monter à 1%. Et il écrit au président Bernheim une lettre de 12 pages au style peu amène.

Tout à trac, Algebris lui reproche la piètre qualité de ses comptes de résultats par rapport à ses grands concurrents européens, le français Axa et l'allemand Allianz. Il met en cause la stratégie d'alliance avec Mediobanca, qui à son sens limite les marges de manoeuvres commerciales des deux groupes dans leurs métiers connexes. Il s'attaque au système des participations croisées italiennes et de la nomination, par voie de conséquences, d'« administrateurs consanguins » : lorsqu'une même personne siège aux conseils d'une banque et d'un assureur opérant sur le même territoire, il y a des risques. Algebris parle carrément de conflits d'intérêt.

Le fonds s'en prend également à la répartition des pouvoirs opérationnels entre les différents directeurs : pas clairs, ils ont tendance à les déresponsabiliser. Idem pour le président non exécutif Bernheim, qui malgré ce titre dirige l'entreprise... Enfin vient l'attaque frontale de Bernheim : trop âgé pour porter une stratégie de long terme, il serait également bien trop payé relativement à ses homologues d'Axa et d'Allianz et aux performances de ces derniers. Au final, Algebris estime que la stratégie suivie provoque une décote de 40% de l'action Generali. Fermez le ban !

Generali secoué
Il faut relativiser. Certes, Antoine Bernheim a fait savoir qu'il étudie les critiques qui lui ont été adressées et reste ouvert « au dialogue constructif ». Mais Algebris reste isolé au capital de l'assureur, face à Mediobanca et ses alliés qui contrôlent environ 30% des parts. Et en septembre dernier, Generali, qui aligne 18 trimestres consécutifs de hausse de son bénéfice net, a indiqué qu'il s'attend à augmenter de 58% son résultat net à horizon 2009, et entend doubler son dividende d'ici là. Des annonces pas si négatives que cela...

En tout cas, une telle attaque a de quoi surprendre dans le capitalisme italien, réputé pour ses inextricables participations croisées. Cela n'empêche pas complots et révolution de palais, mais d'habitude, tout se règle entre Italiens. Dans le domaine financier, les participations croisées ont longtemps eu pour but d'empêcher des OPA étrangères. Certes, les choses changent, et la Banque d'Italie a été contrainte de laisser entrer les banques étrangères.

Mais autant violence contre le patron d'une des plus grandes capitalisations italiennes est un phénomène inédit. D'autant qu'à travers les critiques portées à Generali, c'est tout le capitalisme financier italien qui est visé. C'est peut-être la raison pour laquelle Bernheim a été reçu, lundi, par le gouverneur de la Banque d'Italie et le ministre des Finances...