par Shadia Nasralla et Ulf Laessing

WASHINGTON, 15 juillet (Reuters) - William Burns, premier membre de l'administration américaine à faire le déplacement en Egypte depuis l'éviction du président Mohamed Morsi, doit rencontrer lundi les principaux protagonistes de la crise au Caire, où les partisans du chef de l'Etat déposé par l'armée appellent à nouveau à manifester.

En dépit de leurs profondes rivalités, les pro et les anti-Morsi, dont les affrontements ont fait 92 morts depuis son reversement le 3 juillet, se méfient autant les uns que les autres de l'attitude de Washington.

Bien qu'il parle arabe, le secrétaire d'Etat adjoint pourrait ainsi être accueilli fraîchement au Caire, où des portraits de l'ambassadrice américaine Anne Patterson sont désormais barrés de l'inscription : "Rentre chez toi, sorcière !".

Le diplomate, qui doit notamment rencontrer les membres de l'état-major, est arrivé en pleine formation du gouvernement intérimaire chargé de mettre en oeuvre le processus de transition étalé sur mois défini par l'armée.

L'intervention des militaires, au lendemain de manifestations qui ont réuni plusieurs millions d'adversaires du chef de l'Etat, issu des Frères musulmans, a été suivie le 5 juillet d'affrontements qui ont fait 35 morts.

Lundi dernier, ce sont 53 partisans de Mohamed Morsi qui sont tombés sous les balles des forces gouvernementales devant la caserne de la Garde républicaine. Quatre soldats ont également trouvé la mort dans la fusillade. Les vastes manifestations organisées ensuite sont toutefois restées pacifiques.

Dans le Sinaï, en revanche, les extrémistes islamistes ont lancé un appel aux armes et les actes de guérilla désormais quotidiens ont fait 13 morts depuis le 3 juillet.

Lundi matin, des tirs de roquettes ont fait trois morts et 17 blessés à bord d'un car qui transportait des employés d'un cimenterie dans la péninsule.

Dans un communiqué, le département d'Etat indique que William Burns va souligner "la nécessité de remettre le pouvoir aussi vite que possible à un gouvernement démocratiquement élu" en insistant "sur le besoin impérieux pour tous responsables politiques d'oeuvrer à la prévention de la violence".

L'administration américaine, qui s'efforce de rester neutre depuis l'éviction de Mohammed Morsi, a pris soin de ménager l'armée et n'a pas réclamé le retour à son poste du président déchu, dont elle a jugé l'action antidémocratique.

AL NOUR REFUSE DE RENCONTRER BURNS

Qualifier l'irruption des généraux dans les affaires publiques de coup d'Etat mettrait fin au versement d'une aide militaire annuelle de 1,3 milliards de dollars.

On ignore si William Burns doit rencontrer des représentants des Frères musulmans, mais rien n'indique que la confrérie accepterait un tel entretien compte tenu de la position de Washington. Elle refuse en outre de participer au processus de transition en cours.

Le parti salafiste Al Nour, deuxième mouvement islamiste après les Frères, a en revanche approuvé la "feuille de route" des militaires. La fusillade de la semaine dernière l'a toutefois amené à prendre un peu de distance.

Ce lundi, le mouvement a fait savoir qu'il avait décliné l'invitation de Williams Burns en raison des "ingérences injustifiées" des Etats-Unis dans les affaires égyptiennes.

Le Premier ministre égyptien de transition, Hazem el Beblaoui, a poursuivi dimanche la constitution de son équipe gouvernementale. Ancien ambassadeur aux Etats-Unis, Nabil Fahmy a accepté le ministère des Affaires étrangères, signe de l'importance que Le Caire accorde à ses relations avec Washington.

La justice a ordonné parallèlement le gel des avoirs de 14 dirigeants des Frères musulmans et de leur émanation politique, le PLJ (Parti de la liberté et de la justice). Parmi les dirigeants visés figure le numéro un de la confrérie, Mohamed Badie.

Le chef d'état-major des forces armées égyptiennes, Abdel Fattah al Sissi, n'en a pas moins déclaré dimanche qu'aucune formation ne serait exclue du jeu politique.

Mohamed Morsi, premier président démocratiquement élu d'Egypte, est quant à lui toujours détenu dans un lieu secret. Les autorités ne l'ont pas inculpé mais ont annoncé samedi qu'elles avaient reçu des plaintes à son encontre pour espionnage, incitation à la violence et sabordage de l'économie.

Des milliers de ses partisans poursuivent une veille pacifique près d'une mosquée du nord-est du Caire et ils promettent de ne pas quitter les lieux tant qu'il ne sera pas rétabli dans ses fonctions, ce qui semble désormais exclu. (Avec Yasmine Saleh et Adli Abdelaty au Caire, Arshad Mohammed à Washington, Jean-Philippe Lefief pour le service français)