par Kate Abnett et Marta Fiorin

STRASBOURG, 17 juillet (Reuters) - Ursula von der Leyen a consacré son énergie ces dernières semaines à tenter de convaincre les députés au Parlement européen de la reconduire pour un deuxième mandat de cinq ans à la présidence de la Commission européenne.

A la veille d'un vote qui s'annonce serré jeudi, nombre d'élus courtisés disent toutefois ne pas être encore certains de faire le choix de la continuité avec la dirigeante conservatrice âgée de 65 ans, malgré les défis extérieurs et internes auxquels l'Union européenne est confrontée.

Au cours de son premier mandat, l'ancienne ministre allemande de la Défense a supervisé le lancement du "pacte vert", l'ensemble le plus ambitieux au monde de mesures de lutte contre le changement climatique, ainsi que la mise en oeuvre d'un plan de relance économique de 800 milliards d'euros après la pandémie de COVID-19. Elle a aussi contribué à organiser le soutien européen à l'Ukraine face à l'invasion de ce pays par la Russie depuis février 2022.

Présentant la guerre russe en Ukraine, le possible retour de Donald Trump à la Maison blanche lors de l'élection présidentielle américaine de novembre et les ambitions de la Chine comme un ensemble formant une menace existentielle pour l'UE, les partisans d'Ursula von der Leyen assurent qu'elle offre une garantie de stabilité.

Son éventuel échec lors du vote organisé jeudi à Strasbourg risquerait de plonger l'UE dans une crise institutionnelle après les élections européennes de début juin, qui ont illustré la montée en puissance de l'extrême droite et de partis eurosceptiques dans de nombreux pays.

EFFET DOMINO

Il pourrait aussi provoquer un effet domino en rendant caduc l'accord entre chefs d'Etat et de gouvernement des Vingt-Sept sur la répartition des principaux postes à la tête de l'UE et en retardant jusqu'en 2025 l'entrée en fonction de la nouvelle Commission.

"Nous voyons tous l'agitation aux Etats-Unis (...) Il est évident que nous avons besoin de stabilité de la part de l'Union européenne", dit Bas Eickhout, coprésident du groupe des Verts au Parlement européen.

Comme d'autres, les 53 eurodéputés écologistes attendent toutefois, avant de se prononcer, d'entendre le discours d'Ursula von der Leyen jeudi avant leur vote pour connaître ses orientations et ses concessions éventuelles aux uns et aux autres.

"D'abord, elle doit s'engager sur des points concrets", prévient l'eurodéputée sociale-démocrate Delara Burkhardt, évoquant notamment un accroissement des aides aux entreprises et aux ménages pour accompagner leur transition écologique.

Ursula von der Leyen doit obtenir le soutien d'au moins 361 élus sur les 720 du Parlement européen.

Si l'ensemble des députés du Parti populaire européen (PPE), camp conservateur dont elle est issue, de l'alliance sociale-démocrate (S&D) et du groupe libéral Renew votent pour elle, elle serait assurée d'obtenir 401 voix. Il s'agit toutefois d'un vote à bulletin secret et des suffrages risquent de lui manquer au sein de ces trois groupes.

En fonction de ces défections, Ursula von der Leyen pourrait avoir besoin de voix en provenance des Conservateurs et réformistes européens (ECR) ou des Verts. Au vu des divisions au sein du groupe ECR, l'appui des Verts pourrait être plus solide.

PAS DE CANDIDAT DE SUBSTITUTION EN VUE

Il semble en tout cas impossible d'obtenir le soutien cumulé de ces deux camps aux propositions opposées sur de nombreux sujets. Les Verts souhaitent par exemple préserver les politiques de lutte contre le changement climatique quand ECR entend les démanteler en partie.

Ursula von der Leyen ne s'est pas rendue au sommet de l'Otan organisé la semaine dernière à Washington afin de poursuivre ses efforts de persuasion auprès de ces groupes, apparemment en vain.

"Je ne peux pas imaginer que nous puissions soutenir Ursula von der Leyen", a dit Adam Bielan, qui dirige le groupe des 18 élus polonais au sein d'ERC, après une réunion avec la dirigeante allemande mardi, en citant ses "mauvaises décisions" sur l'immigration et le changement climatique.

Eux aussi membres d'ECR, les 24 eurodéputés italiens de Fratelli d'Italia, le parti de la présidente du Conseil Giorgia Meloni, n'ont pas encore confirmé leur vote publiquement.

Aucun candidat ne semble en mesure de se substituer à Ursula von der Leyen avec la certitude d'être élu si cette dernière échoue.

Certains au Parlement européen craignent qu'un rejet d'Ursula von der Leyen ne conforte le camp eurosceptique, sorti déjà renforcé des élections de juin, en illustrant sa capacité à perturber le fonctionnement des institutions de l'UE.

"Ce serait perçu comme une victoire, particulièrement pour l'extrême droite", dit Sean Kelly, du groupe PPE. (Reportage Kate Abnett et Marta Fiorin, avec Angelo Amante, version française Bertrand Boucey, édité par Kate Entringer)