(Actualisé avec réaction John Kerry §3-4)

par Shaimaa Fayed et Maggie Fick

LE CAIRE, 4 juin (Reuters) - La justice égyptienne a infligé mardi des peines de prison par contumace à 43 Américains, Européens, Egyptiens et autres Arabes dans le cadre d'une affaire visant des organisations non-gouvernementales (ONG) qui avait provoqué fin 2011-début 2012 un coup de froid dans les relations avec l'allié américain.

Quinze ressortissants américains ayant pu quitter l'an dernier l'Egypte ont été condamnés à cinq ans d'emprisonnement. Un seizième, resté dans le pays pour le procès, a reçu deux ans de prison, tout comme une Allemande travaillant pour la fondation Adenauer.

Le secrétaire d'Etat américain, John Kerry, a vivement dénoncé ces condamnations, les qualifiant "d'incompatibles avec la transition démocratique" et estimant qu'elles obéissaient "à des motifs politiques".

Selon lui, ces décisions de justice enfreignent les engagements pris par le gouvernement égyptien de soutenir "l'émergence d'une société civile comme acteur fondamental d'une démocratie" après des décennies de règne autoritaire d'Hosni Moubarak.

Le juge Makram Awad a également ordonné la fermeture des ONG visées par la procédure, dont l'Institut républicain international (IRI) et l'Institut démocrate national (NDI), dont les sièges sont aux Etats-Unis.

La justice reprochait aux inculpés de diriger des organisations non agréées par les autorités et de recevoir des fonds de l'étranger de manière contraire à la loi.

Le fils du ministre américain des Transports Ray LaHood fait partie des Américains condamnés par contumace.

L'affaire des ONG avait provoqué une mini-crise diplomatique entre les Etats-Unis et le plus grand pays arabe, qui reçoit 1,3 milliard de dollars d'aide militaire américaine par an.

"VIOLATION" DES ACCORDS BILATÉRAUX

L'Egypte, à l'époque gouvernée par l'armée après la chute de Hosni Moubarak, avait interdit aux suspects de quitter le pays, y compris les ressortissants américains qui s'étaient réfugiés dans l'enceinte de leur ambassade au Caire.

Ils avaient finalement été autorisés à sortir d'Egypte après versement d'une caution de 330.000 dollars chacun.

L'unique ressortissant américain présent à l'audience, Robert Becker, qui travaillait pour le NDI, avait choisi de rester en Egypte pour le procès.

Pour les autorités égyptiennes, ces ONG opéraient illégalement en Egypte et ont reçu, après "le printemps du Nil" de 2011, 150 millions de dollars que le gouvernement américain aurait prélevés sur son aide budgétaire à l'Egypte en violation des accords bilatéraux.

Le chef de la diplomatie allemande, Guido Westerwelle, s'est déclaré "révolté et très inquiet après les très dures sanctions prises par la cour à l'encontre du personnel cairote de la fondation Adenauer et de la décision de fermer son bureau".

Il a ajouté : "La ligne de conduite adoptée par la justice égyptienne est très inquiétante. Cela affaiblit la société civile, qui est un pilier important de la démocratie dans la nouvelle Egypte".

Le gouvernement américain n'a, pour le moment, pas officiellement réagi.

Les Frères musulmans, qui ont succédé aux militaires à la tête du pouvoir, ont soumis récemment au Parlement la seconde mouture d'un projet de loi visant à réguler les ONG et les organisations de défense des droits de l'homme en promettant que la nouvelle législation ne limitera pas leurs activités.

Les défenseurs des droits de l'homme n'ont pas été convaincus. (Henri-Pierre André et Jean-Loup Fiévet pour le service français)