Sur la base de l'inflation hors tabac pour 2012 publiée jeudi, et dont le niveau est attendu très bas, une baisse conséquente de la rémunération de ce produit d'épargne préféré des Français, fixé à 2,25% depuis mi-2011, pourrait s'imposer, certains estimant qu'elle pourrait aller jusqu'à un point.

Le ministre de l'Economie et des Finances, Pierre Moscovici, a clairement exclu qu'elle soit de cette ampleur.

"Une baisse de 1%, il n'en est pas question", a-t-il déclaré mercredi en marge d'une conférence de presse sur l'attractivité de la France.

Alors qu'on lui demandait la semaine passée si le taux pourrait passer sous 2%, il avait indiqué qu'une baisse était envisageable au vu de l'évolution de l'inflation mais que les Français "comprendraient mal" qu'elle soit trop importante.

"Beaucoup de Français des classes moyennes sont attachés au livret A et leur pouvoir d'achat est au coeur de mes préoccupations", a-t-il expliqué mercredi matin sur Europe 1.

Une baisse du taux du livret A a toujours été une question sensible, même depuis que Dominique Strauss-Kahn, alors ministre de l'Economie, a décidé en 1999 d'introduire une formule de calcul pour tenter de dépassionner le débat.

La dernière formule en place, la troisième depuis 1999, donne peu de marge de manoeuvres à Pierre Moscovici.

Elle laisse le calcul automatique du taux à la Banque de France, qui le transmet pour avis au ministère de l'Economie mais peut déroger à l'application de la formule en invoquant des "circonstances exceptionnelles" ou si elle juge que le nouveau taux ne permet pas "de préserver globalement le pouvoir d'achat des épargnants".

Pour Pierre Moscovici, "c'est le gouvernement qui décide en fonction de cette proposition".

UN TAUX QUI COÛTE CHER

Dans l'environnement économique actuel, une baisse reflétant l'évolution de l'inflation semble s'imposer, comme l'a souligné récemment le gouverneur de la Banque de France Christian Noyer.

"Si l'inflation baisse, empêcher les taux de baisser, ça veut dire empêcher la politique de baisse des taux de la BCE d'avoir de l'effet dans l'économie française", a-t-il dit.

De fait, le niveau de rémunération du livret A a un impact direct sur le coût des ressources des banques en les obligeant à aligner autant que possible les taux de leurs livrets ordinaires et dépôts à terme, et partant sur le coût du crédit à la clientèle.

Le maintien d'un livret A nettement au-dessus de l'inflation serait aussi préjudiciable au financement du logement social, dont il est la principale ressource, au moment où les taux de marché sont à des niveaux historiquement bas.

"Le risque, c'est le maintien d'un taux qui coûte cher à tout le monde, sauf aux épargnants qui ont de l'argent sur le livret A", dit Cyril Blesson, associé du cabinet Pair Conseil.

L'absence de fiscalité est un autre facteur décisif pour ce produit, dont le plafond vient d'être relevé de 50% en deux étapes pour atteindre 22.950 euros, alors que le gouvernement met en oeuvre cette année un tour de vis conséquent pour les détenteurs de patrimoine.

"Avec la fiscalité, le livret A resterait un produit très attractif même à 1,50%", souligne Cyril Blesson, par ailleurs corédacteur des Cahiers de l'épargne.

Avec 61,6 millions de titulaires à fin 2011 et un encours (à fin novembre 2012) de 242 milliards d'euros, le livret A est le produit d'épargne le plus répandu en France. Mais le qualificatif de populaire qui lui est attaché fait tiquer.

Les spécialistes font valoir que 8,5% de ces livrets avaient un solde égal ou supérieur au plafond l'an passé, représentant à eux seuls 43,2% des encours et que le relèvement du plafond a profité d'abord aux détenteurs les plus aisés.

"Pour tordre le cou à cette image d'épargne populaire, il faut rappeler qu'il existe un véritable produit d'épargne populaire sponsorisé par l'Etat, le LEP, qui est soumis à conditions de revenus et qui est rémunéré 50 points de base au-dessus du livret A", fait valoir Cyril Blesson.

Avec Jean-Baptiste Vey, édité par Yves Clarisse

par Yann Le Guernigou