ANKARA, 29 janvier (Reuters) - Le gouvernement turc veut abolir les juridictions spéciales qui ont condamné ces dernières années des centaines de suspects, notamment de nombreux officiers, accusés d'avoir comploté contre le Parti de la justice et du développement (AKP) au pouvoir.

Cette initiative s'inscrit dans le cadre de la campagne du Premier ministre Recep Tayyip Erdogan pour s'attirer les bonnes grâces des laïques et des militaires face à ce qu'il considère comme une conspiration ourdie contre l'AKP par l'imam Fethullah Gülen, un ancien allié installé au Etats-Unis et dont l'influence est grande en Turquie dans les milieux de la justice et de la police.

"Nous allons prendre une mesure historique que nous aurions déjà dû prendre", a déclaré mercredi aux journalistes le ministre de la Justice, Bekir Bozdag. "Il n'y aura plus de ces tribunaux spéciaux au sein du système judiciaire, il n'y aura plus d'enquêtes spéciales", a-t-il ajouté.

Aujourd'hui que Fethullah Gülen est perçu comme un rival d'Erdogan, l'AKP accuse Hizmet, le mouvement de l'imam, de chercher à renverser le gouvernement en montant de toutes pièces contre lui des accusations de corruption.

En réponse à ce qu'ils considèrent comme une "machination", les partisans d'Erdogan se sont tournés vers les militaires, en laissant entendre que certains officiers avaient été injustement condamnés ces dernières années par la faute des amis de Gülen qui auraient créé "un Etat dans l'Etat".

L'armée turque, qui a mené trois coups d'Etat entre 1960 et 1980, avait renversé en 1997 le premier gouvernement issu de la mouvance islamiste.

En septembre 2012, plus de 300 officiers, dont trois anciens généraux condamnés à la prison à vie, ont été jugés coupables d'avoir cherché à renverser le gouvernement AKP dans le cadre d'un complot fomenté en 2003 et baptisé "Masse de forgeron" ("Balyoz").

Pourraient être également remises en cause les condamnations prononcées dans l'affaire "Ergenekon", où des militaires, des responsables politiques, des universitaires et des journalistes ont aussi été incarcérés pour complot. (Humeyra Pamuk, Guy Kerivel pour le service français)