"Selon vous, nous pourrions avoir à court terme un mouvement haussier de sortie d’échéance sensible sur le soja...
Aux Etats-Unis, le stock de fin de campagne sur le soja est très faible. Nous sommes sur un ratio stock to use de 8 à 9%. Autrement dit, nous avons moins d’un mois de stocks. Si l’on prend du retard sur la récolte actuelle en raison de mauvaises conditions climatiques, nous pourrions nous retrouver avec un stock disponible pour répondre à la demande du marché de quelques jours à peine de consommation.
Ce sont les acteurs qui paieront le plus cher qui acquerront la marchandise.

Nous pourrions donc avoir un fort potentiel d’appréciation à court terme, sur les deux prochains mois du fait de la cette problématique de soudure de campagne.
C’est pourquoi nous sommes essentiellement positionnés sur les échéances de l’ancienne campagne pour profiter d’un manque de disponibilité à court terme.

Jusqu’où pourrait évoluer le prix du mais et du soja à court terme?
Le mais vaut actuellement 6,57 dollars le boisseau. A la même époque l’année dernière il valait 6 dollars. Il a ensuite évolué à un plus haut de 8 dollars en aout 2011. Il n’est pas impossible qu’il suive de nouveau un chemin similaire. Pour le moment, la nouvelle échéance pour décembre 2012vaut 5, 40 dollars.
Le soja, quant à lui vaut 14,25 dollars le boisseau. En temps normal, son prix pourrait monter jusqu’à 15 dollars ce qui signifierait une appréciation de 5 %. Cependant, il est possible que de mauvaises nouvelles sur le plan des récoltes conduisent à une augmentation du cours de 10 à 15%.

Selon la loi de King, les prix des matières premières agricoles suivent une évolution exponentielle. Une baisse de 5% de la disponibilité, peut équivaloir à une hausse de 15% du prix. Une baisse de 10% de la disponibilité, peut entraine une croissance du prix de 40%.

Cette tendance haussière pourrait-elle durer à moyen terme ?
Oui, mais de manière moins significative. Aux Etats-Unis, le stock est attendu pour la prochaine récolte à 1,37 milliards de boisseaux. C’est très faible. Compte tenu du fait que les prix sont montés tardivement, les semis devraient être essentiellement consacré au mais.
Les importations chinoises devraient, en outre s’avérer élevées

L’USDA a fait état d’une surface de production de 95,9 millions de tonnes s’agissant du mais et de 73,9 millions pour ce qui est du soja… Qu’en pensez-vous ?

La surface de production de mais ressort plus importante que prévu-les analystes tablaient sur 95 millions d’acres et la surface de production de soja est moins significative qui était envisagé, c'est-à-dire 75 millions d’acres.

Au-delà de cette estimation de surface de production, ce qui est très étonnant c’est le rendement annoncé par l’USDA sur le mais…
Un rendement de 164 boisseaux à l’acre a été avancé. C’est un record absolu. Le précédent pic était de 162 boisseaux à l’acre il y a trois ans.

Ce pronostic soulève deux questions. En 2011 et 2010, nous avions eu un rendement en baisse deux années de suite,à respectivement 147 et 153 boisseaux à l’acre. Cela n’était pas arrivé depuis 1973 et 1974.
80% du mais semé aux Etats-Unis est du mais transgénique que l’on a développé pour qu’il résiste aux maladies et aux insectes. Le fait d’avoir deux années de suite des rendements en baisse alors que les semences sont censées être plus résistantes peut signifier que les maladies et les insectes ont développé des résistances aux résistances des semences.
Fin 2011, le leader de semences, Syngenta a déclaré que dans un certain nombre d’Etats où il effectuait des tests, des insectes avaient développé des résistances aux résistances des graines. Cet aveu est quelque peu préoccupant et pousse à penser que la la tendance de baisse des rendements pourrait être difficile à inverser.
Par ailleurs, l’USDA fait état d’une surface de production beaucoup plus importante que les années passées. Cela suppose de la part des agriculteurs américains la semence de terres qui n’étaient pas cultivées d’habitude. Ces terres sont a priori moins adaptées aux cultures. Les rendements sur ces terres sont donc destinés à être plus faibles que la normal.

Vous pensez donc que la perspective de l’USDA en termes de rendement n’est pas atteignable ?

Elle l’est très difficilement. L’USDA n’a fait que prolonger la droite des rendements de ces dernières années. Cela semble un vœu pieux sauf à avoir une météo exceptionnelle et aucun incident climatique, ce qui n’est pas le cas pour le moment.

Pour certains, le ratio prix du mais sur prix du soja est en faveur du soja. Le ratio évolue à 2,5/2,6. En cela les assolements américains de soja pourraient évoluer à la hausse au cours des prochaines semaines au détriment des assolements de mais...
L’évolution ne se fera qu’à la marge. Les achats de graines de mais et d’engrais azotés ont été faits. Une fois que l’engrais a été épandu sur le sol, il est difficile de semer du soja.

Qu’auriez-vous à dire concernant le colza et le blé ?

La récolte du colza en Europe a été très affectée. 40% des surfaces ont été endommagées en Ukraine. Des tensions sont à attendre sur le segment.
Nous avons augmenté le colza dans notre portefeuille. Nous restons toutefois prudents dans la mesure où un prix trop élevé peut conduire à une diminution de la demande.
Pour ce qui est du blé, en particulier le blé dur, il me semble que nous n’avons pas eu toute l’appréciation que l’on attendait. La raison de cela est principalement technique.
Il y a eu une importante disponibilité de blé dur sur le marché à court terme canadien suite au démantèlement de l’opérateur en charge du marché nationale, le Canadian Wheat Board.
La disponibilité de ce blé a pesé sur les prix.

La situation en Amérique du Sud et en Europe, notamment en France montre cependant que l’on risque à moyen terme de manquer de blé de qualité.

Pourtant les fonds spéculateurs américains parient à la baisse sur le prix du blé ?

Ces fonds parient à la baisse sur le prix du blé standard à la bourse de Chicago en raison du stock existant. Le stock to use est de 38%, et représente 4 mois de consommation.
En revanche, ils parient à la hausse sur ce blé de qualité, coté à Minneapolis ou à Paris. Le stock to use sur ce blé de qualité est faible.
La production devrait être moins importante. Nous avons perdu entre 6 et 7 millions de tonnes sur ce blé en Europe à cause des récentes intempéries.
"