par Thierry Lévêque

Saisi de procédures concernant notamment les banques BNP et UBS, ce juge d'instruction a demandé l'aide des Etats-Unis et pourrait s'y rendre prochainement afin de déterminer si Bernard Madoff a bénéficié de complaisances, voire de complicités dans la collecte d'épargne et les circuits de la fraude, a-t-on appris jeudi de source judiciaire.

L'escroquerie, qui a duré vingt ans et dont le préjudice mondial est évalué à 65 milliards de dollars, dont 500 millions d'euros en France au moins, garde ses mystères puisqu'aucun procès ne s'est tenu aux Etats-Unis.

Bernard Madoff a plaidé coupable et accepté en juin 2009 une peine de 150 ans de prison, qu'il purge actuellement, ce qui a coupé court à l'enquête du FBI sur l'ensemble du système.

Remontant aux sources des affaires de Bernard Madoff en France, Renaud Van Ruymbeke a auditionné comme témoin jeudi le gestionnaire de fortune de l'héritière de L'Oréal, Patrice de Maistre, a-t-on appris de source judiciaire.

L'enquête française a montré que la structure créée dans les années 1990 pour attirer des épargnants chez Bernard Madoff était Oreades, un fonds détenu par L'Oréal, déposé à la BNP et dirigé dans les années 2000 par Patrice de Maistre.

Oreades a été remplacé en 2004 par une autre structure au Luxembourg, Luxalpha, adossée cette fois à la banque suisse UBS. Patrice de Maistre a rencontré au moins une fois Bernard Madoff. Liliane Bettencourt, qui aurait perdu quelques trente millions d'euros dans l'affaire, n'a pas porté plainte.

NOUVELLES INFORMATIONS JUDICIAIRES

Renaud Van Ruymbeke a été saisi dernièrement d'autres enquêtes préliminaires conduites jusqu'ici par le parquet, dont une concernant la BNP qui avait occasionné une perquisition au siège de cette banque en mars 2009, et une autre visant directement Luxalpha, dit-on de source judiciaire.

Outre les Etats-Unis, le magistrat a adressé des commissions rogatoires internationales au Luxembourg et au Royaume-Uni.

Le juge souhaite notamment obtenir des investigations sur le rôle de la banque américaine JP Morgan Chase, qui détenait tous les avoirs de Bernard Madoff, a dit à Reuters un avocat de plaignants qui a accès à la procédure.

Après avoir conduit un audit chez Madoff, JP Morgan Chase a retiré en septembre 2008 les fonds qu'elle avait elle-même investis chez l'escroc, 250 millions de dollars, trois mois avant son arrestation en décembre 2008.

Dans un document obtenu par le juge à Londres, cité jeudi par Le Parisien et le magazine L'Express, la direction juridique de JP Morgan assure qu'elle n'a jamais eu connaissance de la fraude Madoff et impute son désengagement de 2008 à la crise financière et la chute de la banque Lehman Brothers.

Il n'y a pas de poursuite décidée à ce stade par le juge Van Ruymbeke, qui est revenu sur la seule mise en examen prononcée en novembre 2009, celle de Patrick Littaye, dirigeant de la société Access international advisors, qui apportait des épargnants français à Madoff.

Patrick Littaye aurait perdu sa propre fortune dans l'escroquerie. En décembre 2008, un autre dirigeant d'Access, Thierry de La Villehuchet, s'était suicidé à New York à la suite de la révélation de la fraude.

Cette dernière employait une technique ancienne et rudimentaire dite de "Ponzi". Elle consiste à leurrer les épargnants volés en leur servant des intérêts avec l'argent des nouveaux arrivants, sans jamais faire de placement réel.

Édité par Yves Clarisse