Le président français Emmanuel Macron et son adversaire d'extrême droite Marine Le Pen se sont affrontés devant un public en direct à la télévision mercredi pour leur seul débat avant l'élection présidentielle de dimanche.

Les débats télévisés font depuis longtemps partie des élections françaises et donnent lieu à des échanges, des répliques et des mises à mort dont le public se souvient depuis des années. La mauvaise performance de Le Pen lors d'un débat télévisé avec Macron en 2017 a été considérée comme un facteur de sa défaite dans les sondages à l'époque.

Voici quelques-uns des principaux points à retenir de leur rencontre, qui devrait durer deux heures et demie.

PUIS-JE FINIR ?

Dès le début, l'affaire a été tendue et irritable, comme on pouvait s'y attendre. Le Pen s'est lancée dans un discours avant même la fin du générique d'introduction, obligeant le modérateur à lui demander de recommencer - ce qu'elle a fait, balayant l'incident d'un rire et se lançant dans une attaque directe sur le bilan économique de Macron.

La modération légère a signifié qu'il y a eu beaucoup d'interruptions, d'expressions vexées, de langage corporel impatient et d'appels du genre : "Je peux finir ma phrase ?"

Si les médias locaux rapportent que Macron tenait à ne pas être perçu comme condescendant, il a tout de même qualifié les arguments de Le Pen d'"incohérents". À un moment donné, il n'a pas pu s'empêcher de suggérer que Mme Le Pen était confuse quant à l'impact financier de ses propres plans de dépenses. Elle a interjeté un coup de gueule : "N'essayez pas de me donner une leçon sur mon propre programme !"

C'EST L'ÉCONOMIE, IDIOT

L'économie a été présentée comme la plus grande préoccupation des Français, mais la discussion sur le pouvoir d'achat s'est résumée à deux choses : Le plafonnement des prix de l'énergie par Macron alors que l'inflation augmente et Le Pen qui veut supprimer la TVA sur une centaine de produits de consommation courante.

Cela a donné le ton pour une grande partie du reste du débat de la soirée sur les questions économiques, car Macron a disséqué chacune de ses propositions économiques pour montrer les difficultés que Le Pen aurait à mettre en œuvre et à financer son programme. "Vos mesures sont inefficaces et injustes", a-t-il déclaré.

LE PRÊT RUSSE

L'un des échanges les plus vifs a eu lieu sur la guerre en Ukraine et plus précisément sur les liens de Mme Le Pen avec la Russie. Elle a immédiatement commencé sa réponse sur l'Ukraine en exprimant sa "solidarité absolue" avec les Ukrainiens, un signe qu'elle voulait balayer ses liens passés avec le président russe Vladimir Poutine.

Le Pen s'est également montrée conciliante avec Macron sur le sujet, saluant ses efforts pour soutenir l'Ukraine et empêcher une escalade.

Mais Macron est allé chercher la jugulaire : Faisant référence à la décision de son parti de contracter un prêt auprès d'une banque russe, il lui a dit "vous dépendez de M. Poutine". Mme Le Pen a répliqué en disant qu'elle n'avait pas pu obtenir de prêt en France et a insisté sur le fait que cette transaction ne compromettait en rien son indépendance. "Je suis une femme totalement libre et indépendante".

DEUX EUROPES

Les positions très divergentes des deux hommes sur l'Union européenne sont rapidement devenues une ligne de faille au cours du débat, à laquelle Macron en particulier n'a cessé de faire référence. Sa ligne la plus forte a visé l'affirmation de Le Pen selon laquelle elle voulait que la France garde sa place au sein de l'UE tout en réformant le bloc. "C'est un projet qui n'ose pas dire son nom - et qui consiste à quitter l'Europe", a-t-il déclaré. Niant cela, Mme Le Pen a fait un appel direct à la fierté française concernant son patrimoine alimentaire et agricole : Elle a déclaré que les règles actuelles de l'UE forcent les importations de moindre qualité dans les assiettes françaises et la cruauté inutile dans le transport sur de longues distances du bétail destiné à l'abattage en provenance d'autres États.

CLASH CLIMATIQUE

Fervent défenseur de l'accord de Paris sur le changement climatique, Macron a néanmoins déçu de nombreux écologistes français avec les références vertes de son gouvernement et sa décision de doubler l'énergie nucléaire comme moyen de réduire les émissions de carbone. Pourtant, il n'a pas hésité à qualifier Mme Le Pen de "climato-sceptique" en raison de ses projets visant notamment à se débarrasser du parc important d'éoliennes produisant de l'énergie renouvelable en France.

Mme Le Pen a répliqué avec une phrase qui pourrait toucher les électeurs de gauche que M. Macron a cherché à atteindre cette semaine avec de nouvelles promesses d'action en faveur de l'environnement. "Je ne suis pas climato-sceptique", a-t-elle déclaré. "Mais vous êtes un hypocrite du climat".

SYMBOLES RELIGIEUX

Alors que les deux hommes se fatiguaient et se tournaient vers la sécurité, ils ont calmement exposé leurs idées, Macron proposant même une note plus légère sur la tonalité de la soirée. "Nous sommes beaucoup plus disciplinés qu'il y a cinq ans", a-t-il déclaré. "Nous sommes plus vieux", a-t-elle répondu.

Mais les plaisanteries se sont arrêtées là car les deux hommes se sont affrontés au sujet du hijab. Mme Le Pen souhaite interdire à terme le voile dans les espaces publics si elle était élue et a déclaré que la plupart des jeunes femmes qui le portent y sont contraintes.

Macron l'a accusée de lier trop facilement le hijab à "l'islamisme". Il a ajouté : "Avec moi, il n'y aura pas d'interdiction du hijab, de la kippa ou de tout signe religieux dans l'espace public. Dans les banlieues, vous allez créer une guerre civile, je le dis en toute sincérité." (Reportage supplémentaire du bureau de Paris ; Rédaction : Alex Richardson, Sandra Maler et Aurora Ellis)