* L'armée déclare la nation en danger, prône le compromis

* Elle donne 48 heures aux partis politiques pour s'entendre

* En cas d'échec, elle présentera son propre plan

* Cinq ministres démissionnent

* Le siège des Frères musulmans au Caire saccagé

par Asma Alsharif et Tom Perry

LE CAIRE, 1er juillet (Reuters) - L'armée égyptienne a donné lundi quarante-huit heures aux partis politiques pour s'entendre, faute de quoi elle présentera son propre plan afin de sortir de la crise.

Cet ultimatum de l'armée intervient au lendemain de manifestations monstres qui ont rassemblé à travers le pays des millions de personnes pour exiger le départ du président Mohamed Morsi, issu du mouvement des Frères musulmans et entré en fonction il y a juste un an.

Il revient en fait à demander au chef de l'Etat, accusé de dérive autoritaire par l'opposition libérale, d'accepter de partager le pouvoir.

Dans une déclaration solennelle lue à la télévision, le chef d'état-major de l'armée, le général Abdel Fatah al Sisi, nommé à son poste par Mohamed Morsi, a déclaré la nation en danger, laissant quarante-huit heures aux dirigeants politiques pour "satisfaire les demandes du peuple".

Passé ce délai, si aucune solution permettant d'inclure toutes les forces politiques n'est trouvée, il a prévenu que les militaires présenteraient leur propre "feuille de route" pour régler la crise actuelle.

L'armée, a souligné le général, ne s'impliquera pas directement en politique ou au gouvernement mais elle supervisera la mise en oeuvre de cette feuille de route "avec la participation de toutes les tendances et partis nationaux, dont la jeunesse (révolutionnaire)".

En début de soirée, Mohamed Morsi a rencontré le général Sisi, en présence du Premier ministre.

"UNE OCCASION HISTORIQUE"

Les partisans de Morsi ont laissé éclater leur colère face à l'ultimatum de l'armée. "L'époque des coups d'Etat militaires est révolue", a dit Yasser Hamza, l'un des dirigeants du Parti de la liberté et de la justice (PLJ), émanation des Frères musulmans.

L'opposition, elle, n'a pas caché sa satisfaction. La foule a exulté quand des hélicoptères de l'armée ont survolé la place Tahrir au Caire en déployant des drapeaux égyptiens. Dimanche déjà, des drapeaux avaient été lancés d'un hélicoptère aux opposants rassemblés dans ce haut lieu de la révolution de 2011.

La déclaration des militaires a aussi été saluée par des acclamations de la part des manifestants anti-Morsi rassemblés devant le palais présidentiel et louée par le Front de salut national (FSN), principale coalition d'opposants, qui réclame depuis des mois la formation d'un gouvernement d'union nationale.

Pour l'ancien ministre des Affaires étrangères et ex-candidat libéral à l'élection présidentielle Amr Moussa, l'annonce de l'armée répond aux voeux de la population. "C'est une occasion historique qu'il ne faut pas laisser passer", a-t-il dit.

Deuxième formation islamique au parlement, le parti salafiste Nour, favorable à un compromis entre Morsi et l'opposition, a dit craindre un retour de l'armée dans la vie publique - "et pas pour faire de la figuration".

En signe de solidarité avec les manifestants, cinq ministres dont celui du Tourisme ont présenté leur démission. Aucun n'est issu des Frères musulmans.

AU MOINS SEIZE MORTS DIMANCHE

Avant l'ultimatum de l'armée, les opposants avaient donné à Morsi jusqu'à mardi 17h00 (15h00 GMT) pour annoncer sa démission et menaçaient sinon d'organiser dans la soirée de mardi une marche géante en direction du palais présidentiel.

Bien qu'elles se soient déroulées globalement dans le calme, les gigantesques manifestations de dimanche ont donné lieu à des débordements qui ont fait au moins 16 morts et près de 800 blessés dans le pays.

Les heurts les plus graves se sont produits dans la banlieue du Caire, où le siège des Frères musulmans a été partiellement incendié, puis saccagé en fin de nuit par des centaines de jeunes gens armés de cocktails Molotov, auxquels les gardes ont répliqué par des tirs à balles réelles. Ces affrontements ont fait au moins huit morts et une centaine de blessés.

Face à la multiplication des attaques contre les sièges de la confrérie, le porte-parole des Frères musulmans Gehad El Haddad, déplorant la passivité des forces de sécurité, n'a pas exclu la reconstitution des "comités d'autodéfense" créés durant la révolution de 2011.

En visite en Tanzanie, le président américain Barack Obama a demandé au gouvernement égyptien d'accélérer la mise en place des réformes démocratiques et de travailler avec l'opposition pour trouver une solution pacifique à la crise, soulignant que l'aide américaine au Caire dépendait de tels critères. (Avec Asma Alsharif, Alexander Dziadosz, Shaimaa Fayed, Maggie Fick, Alastair Macdonald, Shadia Nasralla, Tom Perry,; Yasmine Saleh, Paul Taylor et Patrick Werr; Tangi Salaün et Guy Kerivel pour le service français)