* Semaine diplomatique intense à l'Onu, l'OIAC et en Europe

* Macron se félicite d'avoir divisé la Russie et la Turquie

* "On va voir si les Russes mettront un nouveau veto", dit une source française

PARIS, 16 avril (Reuters) - Après les frappes conjointes inédites menées contre l'arsenal chimique syrien, la France entend rebattre les cartes et les alliances afin de faire bouger les lignes et d'avancer sur la voie d'une solution politique en Syrie après sept ans de paralysie diplomatique.

La semaine qui s'ouvre aura valeur de test pour Paris, Londres et Washington qui s'attendent à devoir mener une intense bataille médiatique et diplomatique dans les enceintes internationales face à la Syrie et à la Russie, alliée indéfectible du régime de Bachar al Assad.

Une réunion du conseil exécutif de l'Organisation internationale sur les armes chimique (OIAC) se tient ce lundi à La Haye pour discuter de l'attaque chimique du 7 avril à Douma imputée au régime de Damas et qui a conduit Paris, Washington et Londres à riposter militairement.

Aux Nations unies, des négociations doivent également débuter sur un nouveau projet de résolution de l'Onu, porté par les trois capitales et concernant "les volets politique, chimique et humanitaire du dossier syrien, en vue d’établir une solution durable au conflit".

Au niveau européen, la situation en Syrie sera l'un des points abordés par les ministres européens des Affaires étrangères lors d'un conseil qui se tient ce lundi au Luxembourg.

"On va voir si les frappes vont créer une dynamique sur l'ensemble des volets du règlement de la crise syrienne", souligne une source française. "En physique généralement, les mêmes causes produisent les mêmes effets mais il y a des choses qui ont changé depuis la nuit de vendredi à samedi, on va voir si les Russes mettront un nouveau veto."

Après la réponse militaire, "la question qui se pose maintenant c'est de savoir si le message politique est bien compris, si ce 'momentum' peut être utilisé très vite au Conseil de sécurité de l'Onu", abonde-t-on à l'Elysée.

SÉPARER ANKARA ET MOSCOU

Les premiers effets diplomatiques des frappes militaires coordonnées menées dans la nuit de vendredi à samedi avec les Etats-Unis et la Grande-Bretagne contre l'arsenal chimique clandestin de Damas commencent à se faire sentir, veut-on croire à Paris.

Dans son interview à BFM TV, RMC et Mediapart dimanche soir, Emmanuel Macron a estimé qu'elles avaient permis, en divisant Ankara et Moscou, de fissurer le trio du processus d'Astana (Russie, Turquie et Iran), un processus lancé en 2017 en parallèle aux tentatives de négociations de Genève conduites par l'Onu.

Les Turcs ont "condamné les frappes chimiques" sur Douma et ont "soutenu l'opération que nous avons menée", a-t-il souligné, au lendemain d'un entretien téléphonique avec le président turc Recep Tayyip Erdogan.

Lors de cet échange, le chef de l'Etat français, qui avait dénoncé ces dernières semaines l'action de l'armée turque contre les Kurdes à Afrin, dans le nord-ouest de la Syrie, provoquant l'ire d'Ankara, a notamment appelé à une intensification de la concertation franco-turque "pour permettre une solution politique inclusive en Syrie".

Les frappes ont également permis à l'Occident de marquer des points face à la Russie et à gagner de la crédibilité en faisant respecter la ligne rouge qui avait été édictée notamment par Paris, a estimé Emmanuel Macron.

"Les Russes, lorsque vous définissez les lignes rouges, qu'ils viennent les tester et que rien n'est fait pour les faire respecter, leur discours est clair et leur propagande l'est tout autant: 'Ces gens de la communauté internationale sont bien gentils, ce sont des faibles' (...) Il (Vladimir Poutine-NDLR) a compris que ce n'était plus le cas." (nL8N1RS0TX]

L'objectif désormais, a-t-il poursuivi, est de pouvoir convaincre les Russes et les Turcs de venir autour de la table de négociations dans le cadre du groupe de contact mis en place par Paris réunissant notamment des pays de la région et les Etats-Unis. Une réunion de ce groupe pourrait se tenir dès cette semaine.

BATAILLE COMPLIQUÉE

Mais la bataille diplomatique s'annonce compliquée. Après l'escalade verbale de la semaine dernière entre la Russie, alliée de Damas, et les Etats-Unis, la tension avait semblé redescendre d'un cran vendredi, avant les frappes, avant de reprendre de plus belle ce week-end.

Dimanche, le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Riabkov a prévenu que la Russie avait elle aussi "ses lignes rouges". Il a toutefois assuré que Moscou ferait "tous les efforts nécessaires pour améliorer les relations avec l'Occident", sans donner plus de précisions sur les marges de négociation.

Le projet de résolution des Occidentaux, qui prévoit de relancer un mécanisme d'enquête indépendant et impartial chargé de vérifier l'usage d'armes chimiques en Syrie et de dire qui en est responsable - en remplacement du JIM, le Mécanisme d'enquête conjoint créé par l'Onu et l'OIAC -, devrait sans surprise faire l'objet d'intenses tractations.

"La Russie estime que le JIM n'est pas impartial, qu'il a été tordu et manipulé et qu'elle ne considérera le JIM ou tout autre mécanisme similaire comme impartial que si un Russe y est représenté", note un diplomate français, qui s'attend lundi à voir à La Haye "une bataille médiatique autour du déploiement" de mission d'établissement des faits (FFM) de l'OIAC.

(Marine Pennetier, édité par Henri-Pierre André)