par David Mercado

COCHABAMBA, Bolivie, 5 juillet (Reuters) - Plusieurs chefs d'Etat de la gauche sud-américaine ont fait bloc jeudi autour du président bolivien Evo Morales pour dénoncer avec force son escale forcée en Autriche après la fermeture des espaces aériens de plusieurs pays européens, dont la France, à la suite de rumeurs sur la présence avec lui d'Edward Snowden.

L'ancien consultant de la National Security Agency (NSA), recherché par les Etats-Unis pour ses révélations sur l'ampleur des programmes de surveillance et d'espionnage des services américains, ne se trouvait pas dans l'avion présidentiel.

Mais l'appareil, qui ramenait le président bolivien d'un sommet sur l'énergie à Moscou, a dû se détourner sur l'aéroport de Vienne où Morales a passé la nuit de mardi à mercredi.

Organisé dans l'urgence à Cochabamba, le berceau de sa carrière politique, le sommet de l'Union des nations sud-américaines (Unasur) vise tout à la fois les Etats européens concernés (France, Portugal, Italie et Espagne) et les Etats-Unis, soupçonnés d'avoir fait pression, redoutant que Snowden ne quitte la zone de transit de l'aéroport de Moscou-Cheremetievo où il se trouve depuis le 23 juin.

"L'Europe a violé toutes les règles", a dénoncé le président vénézuélien Nicolas Maduro peu après son arrivée à Cochabamba. "Nous sommes ici pour dire au président Evo Morales qu'il peut compter sur nous. Quiconque s'en prend à la Bolivie s'en prend aussi au Venezuela."

Son homologue équatorien Rafael Correa a relevé pour sa part que si un pays avait interdit son espace aérien au président des Etats-Unis ou d'un Etat européen, la situation aurait été tout autre. "Les tambours de la guerre auraient probablement résonné", a-t-il dit.

A ce jour cependant, aucun Etat latino-américain n'a offert l'asile à Snowden, dont la présence commence à indisposer les autorités russes. (voir )

HUMILIATION

Etaient présents à Cochabamba, outre Correa et Maduro, les présidents d'Argentine, d'Uruguay et du Suriname.

En revanche, la Brésilienne Dilma Rousseff s'est fait représenter par son conseiller diplomatique et le vice-ministre des Affaires étrangères. Le Chili, le Pérou et la Colombie, qui entretiennent de bonnes relations avec Washington, ont marqué leurs distances: ni chef d'Etat, ni chef de la diplomatie de ces trois pays n'ont fait le déplacement.

Les regrets exprimés mercredi soir par la France n'ont pas suffi à apaiser la colère de l'Unasur, qui a dénoncé dans un communiqué des "actes inamicaux et injustifiables" tandis que la présidente argentine Cristina Fernandez voyait dans le camouflet infligé à Morales un "vestige du colonialisme" et une "humiliation pour toute l'Amérique du Sud".

Le sommet devrait déboucher sur une déclaration commune qui, selon le ministre bolivien des Affaires étrangères David Choquehuanca, doit "établir les initiatives qu'il nous faudra prendre, parce qu'il ne s'agit pas simplement de la Bolivie, mais de l'Amérique du Sud tout entière".

Bloqué depuis le 23 juin dans la zone de transit de l'aéroport Cheremetievo à Moscou, où il est arrivé en provenance de Hong Kong, Edward Snowden a demandé l'asile à une vingtaine de pays, dont la Bolivie, mais se trouve dans l'impossibilité de se déplacer. Lui accorder l'asile ne serait pas sans conséquences, a averti Barack Obama. (avec Daniel Ramos à La Paz; Henri-Pierre André pour le service français)