* Les combattants de Wagner ont quitté Rostov

* Prigojine arrête la progression de ses hommes vers Moscou

* Un accord prévoit son installation en Biélorussie - Kremlin

ROSTOV-SUR-LE-DON/VORONEJ, 25 juin (Reuters) - Les mercenaires du groupe Wagner emmenés par Evguéni Prigojine se sont retirés au cours de la nuit de samedi à dimanche de Rostov-sur-le-Don, dans le sud de la Russie, après avoir mis fin à leur progression vers Moscou qui, pendant toute une journée, a constitué un défi sans précédent pour le président russe Vladimir Poutine en 23 années de pouvoir.

Dans le cadre d'un accord présenté comme le fruit d'une médiation du président biélorusse Alexandre Loukachenko, les combattants de Wagner, qui servent de supplétifs à l'armée russe dans la guerre en Ukraine, ont accepté de rentrer dans leurs bases et obtenu des garanties pour leur sécurité tandis que leur chef est censé s'installer en Biélorussie.

On ignore où se trouve Evguéni Prigojine ce dimanche. Des vidéos l'ont montré samedi soir quitter à bord d'un SUV le quartier général de l'armée russe à Rostov-sur-le-Don, qui sert de base logistique à l'"opération militaire spéciale" en Ukraine.

Sur ces images, on peut aussi voir des habitants acclamer les mercenaires.

Considéré jusqu'à présent comme un allié de Vladimir Poutine, Evguéni Prigojine a justifié son coup de force par sa volonté d'écarter les commandants militaires russes, au premier rang desquels le ministre de la Défense Sergueï Choïgou et le chef d'état-major Valéry Guérassimov, qu'il accuse de faillir en Ukraine par leur corruption et leur incompétence.

"En 24 heures, nous nous sommes approchés à moins de 200 km de Moscou. Durant ce temps, nous n'avons pas fait verser la moindre goutte de sang de nos combattants", a dit le chef de Wagner, en tenue militaire, dans une vidéo tournée dans un lieu non précisé.

"Ayant conscience (...) que du sang russe serait versé d'un côté, nous faisons faire demi-tour à nos colonnes et retournons vers nos bases de combat comme prévu."

JOUR CHÔMÉ LUNDI À MOSCOU

Après avoir pris Rostov, ses mercenaires ont parcouru samedi plusieurs centaines de kilomètres vers le nord en direction de Moscou dans ce qu'Evguéni Prigojine a qualifié de "marche pour la justice". Emmenant avec eux des chars et des blindés, les hommes de Wagner ont brisé les obstacles érigés pour tenter de freiner leur progression, a-t-on pu voir sur des vidéos.

A Moscou, les autorités avaient alors conseillé aux habitants de rester chez eux et déployé l'armée en prévision de l'arrivée des combattants de Wagner, qui n'ont guère semblé rencontrer de résistance de la part de l'armée régulière.

Après la volte-face d'Evguéni Prigojine, la capitale de la Russie était calme ce dimanche, avec peu de signes témoignant d'un éventuel renforcement des mesures de sécurité. Lundi a été déclaré jour chômé afin de permettre un apaisement complet.

Toutes les restrictions de déplacement ont été levées dimanche dans la région de Rostov, ont déclaré les autorités locales citées par les agences de presse russe.

Le gouverneur de la région de Voronej au nord de Rostov, Alexandre Goussev, a pour sa part déclaré sur Telegram que "les mouvements des unités de Wagner dans la région de Voronej touchent à leur fin". "Cela se déroule normalement et sans excès", a-t-il ajouté.

Dmitri Peskov, porte-parole du Kremlin, a déclaré que, dans le cadre de l'accord annoncé samedi soir, les poursuites judiciaires engagées contre Evguéni Prigojine pour mutinerie seraient abandonnées, que ce dernier allait s'installer en Biélorussie et que les combattants de Wagner ralliés à sa cause n'encourraient aucune sanction en raison de leurs états de service passés en faveur de la Russie.

Dmitri Peskov a refusé de dire quelles concessions avaient été éventuellement accordées à Evguéni Prigojine pour le convaincre de rentrer dans le rang, alors que dans une allocution télévisée prononcée samedi matin, quelques heures après le début de la mutinerie, Vladimir Poutine avait dénoncé une trahison mettant en péril l'existence même de la Russie et promis des sanctions.

Le président ukrainien Volodimir Zelensky a jugé samedi soir que ces événements révélaient au grand jour le chaos régnant au coeur du pouvoir à Moscou alors que l'Ukraine a lancé depuis début juin une contre-offensive destinée à reconquérir ses territoires occupés par la Russie.

"Aujourd'hui, le monde peut constater que les maîtres de la Russie ne contrôlent rien. Et cela signifie vraiment rien. Simplement un chaos total", a dit Volodimir Zelensky.

(Rédaction de Reuters, rédigé par Peter Graff et Gareth Jones, version française Bertrand Boucey)