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* Gros dégâts sur le croiseur russe Moskva après des explosions de munitions

* Moscou évoque un incendie, Kyiv parle d'un tir de missile ukrainien

* Poursuite des évacuations dans certaines villes

par Pavel Polityuk et Oleksandr Kozhukhar

KYIV/LVIV, Ukraine, 14 avril (Reuters) - Le vaisseau amiral de la flotte russe dans la mer Noire, le croiseur Moskva, a été gravement endommagé jeudi après une explosion que Kyiv a attribuée à des missiles, un revers significatif alors que Moscou s'apprête à lancer une nouvelle offensive dans l'est de l'Ukraine, au 50e jour de la guerre.

Le ministère de la Défense russe a annoncé que le Moskva avait été atteint par un incendie d'origine encore indéterminée et l'explosion de munitions stockées à bord, a rapporté jeudi l'agence de presse russe Interfax.

Le ministère a ensuite précisé que l'incendie avait été maîtrisé et que les explosions de munitions avaient cessé, sans que les principaux armements du croiseur ne soient touchés.

L'équipage a été évacué vers d'autres navires de la flotte et des mesures étaient mises en oeuvre pour assurer le remorquage du Moskva vers un port, a ajouté le ministère russe de la Défense.

Alors que les autorités russes ont fait savoir que le Moskva était resté à flot, l'armée ukrainienne a de son côté déclaré qu'il commençait à couler.

Le commandement ukrainien pour la zone Sud du pays a annoncé dans un communiqué sur Facebook que l'incendie à bord du croiseur s'était déclenché après une frappe ukrainienne par un missile de croisière antinavire de type Neptune, en précisant que le navire commençait à sombrer en raison des dégâts et du mauvais temps.

Reuters n'était pas en mesure de vérifier les déclarations russes et ukrainiennes dans l'immédiat.

REDÉPLOIEMENT DES TROUPES RUSSES

D'après les agences de presse russes, le Moskva, dont la mise en service remonte à 1983, était équipé de 16 missiles de croisière antinavire de type Vulkan, dont la portée s'élève à au moins 700 kilomètres.

Selon les autorités ukrainiennes, le Moskva a été impliqué dans l'un de premiers épisodes marquants de la guerre, lorsque les gardes-frontières ukrainiens de l'île des Serpents, dans la mer Noire, avaient déclaré à l'équipage du croiseur, qui avait demandé leur reddition, "d'aller se faire foutre".

La flotte russe dans la mer Noire a déjà lancé des missiles de croisière sur l'Ukraine et son déploiement dans cette zone est capital pour soutenir les opérations terrestres des forces russes dans le sud de l'Ukraine, notamment pour les troupes menant le siège du port stratégique de Marioupol, sur la mer d'Azov.

La chute de Marioupol, assiégée depuis les premiers jours de la guerre lancée le 24 février, permettrait à la Russie de consolider une voie terrestre reliant la péninsule de Crimée qu'elle a annexée en 2014 et les régions aux mains séparatistes pro-russes du Donbass, dans l'est de l'Ukraine.

Les forces russes se sont retirées ces dernières semaines du front Nord, après avoir échoué à prendre la capitale ukrainienne Kyiv. Selon les autorités ukrainiennes et leurs soutiens occidentaux, la Russie redéploie maintenant ses forces en vue d'une nouvelle offensive concentrée sur le sud et l'est du pays.

"Les forces russes accroissent leurs activités sur les fronts méridional et oriental et tentent de venger leur défaites", a déclaré mercredi soir le président ukrainien Volodimir Zelensky dans une vidéo.

La vice-ministre ukrainienne de la Défense Hanna Malyar a dit jeudi dans une intervention télévisée que la Russie massait des troupes non seulement au niveau de la frontière russo-ukrainienne mais aussi en Biélorussie, au nord de l'Ukraine, ainsi qu'en Transnitrie, région séparatiste de la Moldavie, à l'ouest de l'Ukraine.

Dans l'est de l'Ukraine, les régions de Kharkiv, Donetsk et Zaporijjia sont toujours la cible de bombardements russes, a-t-elle précisé.

Le gouverneur de la région de Kharkiv, Oleh Siniegoubov, a annoncé que quatre civils avaient été tués et dix autres blessés lors d'un bombardement russe jeudi sur la ville de Kharkiv.

Dans un communiqué, il a de nouveau exhorté les habitants de plusieurs villes de la région à évacuer avant que les opérations militaires ne s'intensifient.

ISOLEMENT CROISSANT

Russes et Ukrainiens sont parvenus à s'accorder pour la mise en place de neuf couloirs sécurisés d'évacuation de civils au cours de la journée de jeudi, pour des villes du sud et de l'est du pays, y compris pour que des voitures particulières puissent quitter Marioupol, a fait savoir jeudi matin la vice-Première ministre ukrainienne, Irina Verechtchouk.

Les autorités ukrainiennes estiment que des dizaines de milliers de personnes ont été tuées à Marioupol et accusent les forces russes d'avoir commis plusieurs massacres, dont l'ampleur est constatée dans les zones reprises par les forces ukrainiennes autour de Kyiv.

Selon le chef de la police de la région de Kyiv, Andri Niebitov, plus de 800 corps avaient été retrouvés dans les trois districts ayant été sous occupation russe pendant quelques semaines.

"Nous découvrons des choses horribles: les corps enfouis et cachés de personnes qui ont été torturées et abattues, ou qui sont mortes sous les tirs de mortier et d'artillerie", a-t-il déclaré lors d'une intervention télévisée.

De leur côté, les autorités russes démentent régulièrement cibler des civils depuis le début de ce que Moscou décrit comme une "opération militaire spéciale" en Ukraine.

Une mission d'experts de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) a déclaré mercredi avoir trouvé des preuves de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité commis par la Russie en Ukraine.

Cette guerre lancée par la Russie, qui a contraint des millions d'Ukrainiens à se réfugier en Europe ou à se déplacer dans leur pays pour fuir les combats, a accentué son isolement sur la scène internationale.

Outre les nombreuses sanctions occidentales qui ciblent son économie, la Russie doit également faire face désormais à un regain d'attrait de l'Alliance atlantique.

Alors que la Finlande et la Suède, pays neutres, ont remis sur la table la question d'une adhésion à l'Otan le Kremlin a fait savoir jeudi que le président russe Vladimir Poutine envisagerait toutes les options à sa disposition pour renforcer la sécurité de la Russie si l'un de ces deux pays venait à adhérer à l'Alliance.

L'ex-président et ex-Premier ministre russe Dmitri Medvedev, proche de Vladimir Poutine et désormais vice-président du Conseil de sécurité nationale russe, a prévenu jeudi que la Russie pourrait renforcer ses moyens de défense aux abords de la mer Baltique - y compris en y déployant des armes nucléaires - si la Finlande et la Suède rejoignent l'Otan.

(Avec la contribution de Natalia Zinets et Elizabeth Piper à Kyiv, Max Hunder à Londres, David Ljunggren à Ottawa et les bureaux de Reuters, rédigé par Michael Perry et Alex Richardson ; version française Myriam Rivet, édité par)