* 18 Russes interdits d'entrée aux Etats-Unis

* La Russie réplique avec une mesure similaire

* Moscou accuse Washington de porter "un coup sévère" à la confiance (Détails sur la liste russe, contexte, réaction américaine)

MOSCOU, 13 avril (Reuters) - Les Etats-Unis ont porté "un coup sévère" à la confiance mutuelle en interdisant l'entrée sur le territoire à 18 Russes soupçonnés d'atteintes aux droits de l'homme, a estimé samedi Moscou, qui a pris la même décision à l'encontre de 18 Américains.

Parmi les personnalités visées par cette mesure prise en représailles à la "loi Magnitski" (voir ) figurent plusieurs membres de l'administration Bush que le ministère russe des Affaires étrangères juge coupables d'actes de torture. D'autres sont impliqués dans les procédures entamées à l'encontre de citoyens russes détenus aux Etats-Unis.

Sergueï Magnitski travaillait pour le fonds d'investissement Hermitage Capital Management à Moscou. Il a été arrêté pour fraude fiscale peu après avoir porté des accusations similaires contre des responsables russes en 2008.

Il est décédé en prison d'un arrêt cardiaque, selon les autorités russes.

"Sous la pression des membres russophobes du Congrès américain, un coup sévère a été porté aux relations bilatérales et à la confiance mutuelle", déclare le ministère russe des Affaires étrangères, qui évoque au sujet de la liste américaine "une mesure inamicale".

"La bonne réponse de la part de la Russie à l'indignation internationale au sujet de la mort de Sergueï Magnitski serait de mener une véritable enquête et de demander des comptes à ceux qui en sont responsables, plutôt que de s'engager dans des représailles de type dent pour dent", a répliqué un porte-parole du département d'Etat.

DE GUANTANAMO A VICTOR BOUT

La passe d'armes entre Washington et Moscou intervient deux jours avant la visite lundi à Moscou du conseiller de Barack Obama pour la sécurité nationale, Tom Dinolon.

Parmi les Américains interdits d'entrée en Russie, on trouve deux membres de l'administration Bush liés, selon Moscou, à des actes de torture, et deux anciens commandants de la base américaine de Guantanamo, à Cuba, dont dépend administrativement la prison adjacente, où ont été détenus des ressortissants russes.

David Addington, ancien chef de cabinet du vice-président Dick Cheney sous la présidence Bush, avait à l'époque fait pression sur l'armée pour qu'elle procède à des interrogatoires plus poussés.

John Choon Yoo, avocat pour le ministère de la Justice à l'époque, avait estimé que la loi américaine concernant l'usage de la torture ne s'appliquait pas aux interrogatoires menés hors de la métropole.

Geoffrey Miller, commandant de Guantanamo du temps de Bush, fut envoyé en Irak comme conseiller lors des interrogatoires de détenus à la prison Abou Ghraïb de Bagdad. Jeffrey Harbeson dirigea la prison de Guantanamo lors du premier mandat de Barack Obama.

Figurent également sur cette liste des responsables de la justice et de la police américaines impliqués dans l'enquête concernant Victor Bout, un marchand d'armes russe purgeant une peine de 25 ans de prison aux Etats-Unis après son arrestation en Thaïlande et d'autres ayant contribué à la condamnation d'un citoyen russe à 20 ans de prison pour trafic de drogue.

"Nous n'avons pas choisi la guerre des listes, mais nous n'avons pas le droit de ne pas répondre à un chantage évident", déclare le ministère russe des Affaires étrangères dans un communiqué.

"Il est grand temps pour les politiciens de Washington de réaliser enfin qu'il est vain de vouloir bâtir des relations avec un pays comme la Russie dans un esprit de tutorat et de diktat total", ajoute-t-il.

VIVES TENSIONS

L'administration américaine a transmis vendredi au Congrès une liste de 18 personnes accusées de violation des droits de l'homme en Russie, dont 16 directement liées à l'affaire Magnitski.

Sergueï Magnitski, mort en prison en Russie en 2009, a donné son nom à une loi, promulguée en décembre par Barack Obama, qui prévoit de refuser l'entrée aux Etats-Unis et de geler les actifs des auteurs d'atteintes aux droits de l'homme en Russie, notamment les personnes jugées responsables de la mort de cet avocat fiscaliste.

Cette loi, qui porte également sur le renforcement des liens commerciaux russo-américains, a provoqué de vives tensions diplomatiques entre Washington et Moscou, qui a déja voté en représailles un texte interdisant aux Américains d'adopter des enfants russes.

Le président russe Vladimir Poutine, membres du KGB sous l'ère soviétique, a déclaré que la mort de Magnitski, à 37 ans, était due à un arrêt cardiaque. Le conseil des droits de l'homme du Kremlin a en revanche relayé des soupçons selon lesquels il aurait été battu à mort.

Parmi les noms formant la liste Magnistki figurent plusieurs fonctionnaires ou ex-fonctionnaires du ministère russe de l'Intérieur, de la justice et du fisc, dont Oleg Siltchenko, chargé des enquêtes à la division moscovite du ministère de l'Intérieur, qui aurait ordonné la mise en détention de Magnitski.

Est également visé Kazbek Doukouzov, jugé et acquitté en 2006 pour le meurtre, deux ans plus tôt, du journaliste américain Paul Klebnikov. (Steve Gutterman, Jean-Philippe Lefief et Pascal Liétout pour le service français)