LE CAIRE, 1er juillet (Reuters) - L'opposition libérale égyptienne a salué lundi l'ultimatum de l'armée qui a donné quarante-huit heures aux responsables politiques du pays pour "satisfaire les demandes du peuple", faute de quoi les militaires présenteront leur propre "feuille de route".

Pour l'ancien ministre des Affaires étrangères et ex-candidat à l'élection présidentielle Amr Moussa, l'annonce de l'armée correspond à la volonté de la population.

"Il ne faut pas perdre de temps car sinon les choses vont empirer. L'invitation (de l'armée) à répondre aux exigences du peuple dans les prochaines heures est une occasion historique qu'il ne faut pas laisser passer", a dit le libéral Amr Moussa.

Mahmoud Badr, fondateur de la coalition "Tamaroud-Rebelle!" à l'origine des manifestations monstres de dimanche qui ont rassemblé des millions de personnes, a également salué le communiqué de l'armée qui n'a, a-t-il dit, "qu'un seul objectif, soutenir la volonté du peuple égyptien en ce moment, c'est-à-dire appuyer l'organisation d'une élection présidentielle anticipée".

L'ancien Premier ministre Ahmed Chafik, qui s'exprimait avant l'ultimatum de l'armée, a estimé pour sa part que le règne des Frères musulmans serait terminé d'ici une semaine. Vaincu de peu à la présidentielle de 2012 par Mohamed Morsi, Chafik n'a pas exclu de briguer une nouvelle fois la présidence.

"L'échec des Frères est patent, il a conduit à des catastrophes en tous genres et on ne pouvait vraiment pas attendre autre chose", a-t-il dit, interrogé par des journalistes à Abou Dhabi, aux Emirats arabes unis.

"Je pense que ce régime va s'effondrer d'ici une semaine", a ajouté le dernier Premier ministre d'Hosni Moubarak.

Du côté des pro-Morsi, on ne cache pas sa colère. Yasser Hamza, l'un des dirigeants du Parti de la liberté et de la justice (PLJ), émanation des Frères musulmans, a affirmé que "tout le monde" en Egypte rejetait l'ultimatum des militaires.

LES SALAFISTES CRAIGNENT UN RETOUR EN FORCE DE L'ARMÉE

"La solution ne peut être trouvée que dans le cadre de la Constitution", a-t-il dit, "l'époque des coups d'Etat militaires est révolue".

Le parti islamiste Nour, pour sa part, a dit craindre un retour en force de l'armée dans la vie publique. Nour, d'inspiration salafiste, a demandé dimanche au président Morsi de faire des concessions et a proposé sa médiation entre le pouvoir et l'opposition.

"Nous avons des craintes sur un retour de l'armée dans le paysage - et pas pour faire de la figuration", a dit Khaled Alam Eddin, l'un des dirigeants de Nour.

A l'étranger, Barack Obama a demandé au gouvernement égyptien d'accélérer la mise en place des réformes démocratiques et de travailler avec l'opposition pour trouver une solution pacifique à la crise, soulignant que l'aide américaine au Caire dépendait de tels critères.

Lors d'une conférence de presse en Tanzanie, le président américain a souligné l'inquiétude de Washington face aux violences en Egypte. L'aide militaire américaine au Caire s'élève à elle seule à 1,3 milliard de dollars (près d'un milliard d'euros) par an.

"Nous sommes tous préoccupés par ce qui se passe en Egypte", a dit Barack Obama. "Il y a encore du travail à faire pour créer les conditions nécessaires afin que chacun se sente entendu et qu'on ait un gouvernement à l'écoute et représentatif."

A Paris, on juge la situation en Egypte "inquiétante".

"Chacun ne peut souhaiter que le retour au calme, le maximum de sang-froid de la part de chacun des acteurs", a déclaré un conseiller du président François Hollande, qui se rend jeudi et vendredi en visite d'Etat en Tunisie.

"Il faut que chacun puisse jouer son rôle : le gouvernement gouverner, l'opposition se structurer et s'organiser, les libertés démocratiques être respectées et surtout le développement économique redémarrer", a-t-il ajouté. (Bureau du Caire, Guy Kerivel pour le service français)