Vladimir Poutine a gagné six années supplémentaires au Kremlin grâce à une victoire écrasante lors d'une élection où il n'a pas été confronté à une concurrence sérieuse. Pour l'avenir, il doit relever d'importants défis.

GUERRE EN UKRAINE

Le défi : savoir s'il faut escalader maintenant et quand il faut s'arrêter. La Russie contrôle près d'un cinquième du territoire ukrainien, à peine modifié depuis la fin de l'année 2022. Poutine n'a pas défini d'objectifs territoriaux, mais son allié Dmitri Medvedev a déclaré le mois dernier que la Russie avait l'intention de s'emparer d'une plus grande partie de l'Ukraine, y compris d'Odessa et éventuellement de Kiev. - Poutine pourrait se contenter de laisser la guerre s'éterniser, en calculant que le temps joue en sa faveur et en attendant le résultat des élections américaines de novembre. La Russie a réalisé sa première avancée en neuf mois en s'emparant de la ville d'Avdiivka en février et M. Poutine a déclaré qu'elle poursuivrait ses efforts. L'Ukraine est à court de munitions, car un important programme d'aide américain est bloqué au Congrès, et la Russie a été encouragée par les signes de discorde et le manque de détermination de l'Occident.

- Poutine pourrait déclencher une escalade en lançant une nouvelle mobilisation militaire, en plus de l'appel de 300 000 hommes qu'il a ordonné en septembre 2022. Mais cette première vague a été chaotique et impopulaire, poussant des centaines de milliers de Russes à fuir à l'étranger. Le Kremlin a répété à maintes reprises qu'il n'était pas nécessaire de répéter l'expérience. - M. Poutine pourrait chercher à obtenir une issue négociée. La Russie a déclaré que cela devrait se faire à ses conditions, en lui laissant le contrôle des territoires ukrainiens capturés, ce que Kiev a déclaré qu'elle n'accepterait jamais. Le mois dernier, Reuters a rapporté en exclusivité que M. Poutine avait signalé à Washington qu'il était prêt à accepter un cessez-le-feu qui figerait la guerre sur les lignes actuelles. Washington a rejeté cette proposition après des contacts entre intermédiaires.

COMMERCE ET ÉNERGIE

Défi : réorienter le commerce pour contourner les sanctions occidentales

La Russie a perdu la majeure partie de son lucratif marché européen de l'énergie en raison des sanctions et de l'explosion des gazoducs Nord Stream. L'avancement de trois projets majeurs permettra de mesurer le succès de la réorientation du commerce russe vers l'Est : - Un nouveau "hub gazier" en Turquie pour permettre à la Russie de réacheminer ses exportations de gaz - Un nouveau gazoduc, "Power of Siberia 2", pour acheminer 50 milliards de mètres cubes supplémentaires de gaz russe vers la Chine via la Mongolie - Une extension de la route maritime du Nord, rendue possible par la fonte de la banquise arctique, pour relier Mourmansk, près de la frontière entre la Russie et la Norvège, au détroit de Béring, près de l'Alaska.

ARMES NUCLÉAIRES

Défi : établir un nouveau cadre de sécurité avec les États-Unis ou s'engager dans une nouvelle course aux armements. Le nouveau traité START, qui limite le nombre d'ogives nucléaires stratégiques que la Russie et les États-Unis peuvent déployer, doit expirer en février 2026. En cas d'expiration, les deux parties pourraient alors développer leurs arsenaux sans limites. M. Poutine a déclaré que la Russie devait maximiser le rendement de ses dépenses de défense afin d'empêcher les États-Unis de l'"épuiser" dans le type de course aux armements qui a épuisé l'Union soviétique pendant la guerre froide. Il a déclaré que la Russie continuait à développer "plusieurs nouveaux systèmes d'armes", tout en réfutant les affirmations américaines selon lesquelles il envisageait de déployer des armes nucléaires dans l'espace. M. Poutine a laissé entendre que la Russie pourrait reprendre ses essais nucléaires, mais seulement si les États-Unis le faisaient avant elle. La Russie se dit prête à entamer un "dialogue stratégique" avec les États-Unis, mais ce dialogue doit porter sur toutes les questions touchant à sa sécurité, y compris l'Ukraine.

ÉCONOMIE NATIONALE

Défis : inflation, pénurie de main-d'œuvre, démographie. L'économie a progressé de 4,6 % en janvier, en glissement annuel, grâce à une augmentation massive de la production militaire, mais les pénuries de main-d'œuvre et la faible productivité posent des problèmes. La défense et la sécurité représentent environ 40 % du budget, au détriment d'autres secteurs comme l'éducation et la santé. Les salaires augmentent, en particulier dans les régions où les industries de défense sont concentrées. Toutefois, M. Poutine n'a pas tenu sa promesse de 2018 de réaliser une "percée décisive" en matière de niveau de vie, et les revenus réels ont globalement stagné au cours de la dernière décennie. Les priorités à court terme sont la réduction de l'inflation, qui s'élève à 7,6 %, et la réduction des tensions budgétaires. M. Poutine a indiqué que cela se traduirait par une augmentation des impôts pour les entreprises et les particuliers les plus riches. À plus long terme, il souhaite augmenter l'espérance de vie et stimuler le taux de natalité grâce à des mesures de soutien aux familles, mais il peine à inverser le déclin démographique à long terme de la Russie.

RENOUVELER L'ÉLITE

Le défi : rafraîchir une équipe vieillissante.

M. Poutine aura 77 ans à la fin de son nouveau mandat, bien qu'il soit encore plus jeune que le président américain Joe Biden lorsqu'il a prêté serment. Certaines personnalités de l'entourage de M. Poutine sont plus âgées que lui, notamment le chef de la sécurité du FSB, Alexandre Bortnikov (72 ans), le chef du Conseil de sécurité, Nikolaï Patrouchev (72 ans), et le ministre des affaires étrangères, Sergueï Lavrov (74 ans cette semaine). Le ministre de la défense, Sergei Shoigu, et le chef d'état-major, Valery Gerasimov (tous deux âgés de 68 ans), ont conservé leur poste malgré les critiques virulentes de certains commentateurs favorables à la guerre concernant les échecs militaires de la Russie en Ukraine. M. Poutine s'est longtemps montré réticent à remanier son équipe, et ses détracteurs l'ont accusé de privilégier la loyauté au détriment de la compétence.

Parmi les jeunes personnalités à surveiller figurent le président du parlement, Vyacheslav Volodin (60 ans), le ministre de l'agriculture, Dmitry Patrushev (46 ans), et l'ancien garde du corps de M. Poutine, Alexei Dyumin (51 ans), gouverneur de la région de Toula. Boris Kovalchuk, 46 ans, fils de Yuri Kovalchuk, ami de M. Poutine et homme d'affaires, a quitté ce mois-ci son poste de directeur de l'entreprise de services publics Inter RAO, après 15 ans, pour rejoindre l'administration présidentielle, selon le journal Vedomosti.