FRANCFORT (Reuters) - Il est peu probable que la Banque centrale européenne (BCE) abaisse encore son taux de dépôt car cela aurait peu d'effet sur l'économie de la zone euro, a-t-on appris de cinq sources proches des débats au sein de l'institution, qui ont minimisé les inquiétudes liées à la vigueur de l'euro.

Le gouverneur de la banque centrale néerlandaise, Klaas Knot, a surpris les marchés cette semaine en déclarant que la BCE disposait de marges de manoeuvre pour réduire le taux de dépôt, actuellement fixé à -0,5%, si cela s'avérait nécessaire pour freiner l'appréciation de l'euro.

Les sources ont expliqué à Reuters que Klaas Knot avait évoqué cette question lors de la réunion du Conseil des gouverneurs la semaine dernière mais que le sujet était resté "marginal", la stratégie de la BCE restant concentrée sur les achats d'obligations et les prêts de liquidités aux banques.

"Même si on observait une appréciation beaucoup plus forte, je n'en conclurais pas que la seule réponse serait le taux d'intérêt", a dit un membre du Conseil.

Les sources ont ajouté que la priorité de la BCE allait pour l'instant au maintien de la stabilité des conditions de financement, c'est-à-dire des rendements obligataires comme des taux de crédit bancaire, et qu'elle jugeait la question du taux de change de l'euro secondaire.

Selon ces sources, plusieurs arguments plaident contre une baisse de taux, parmi lesquelles son impact limité sur l'économie réelle, le fait que le taux de change de l'euro reste dans sa fourchette historique et la faiblesse des marges permettant de réduire un taux déjà négatif sans risquer que ses inconvénients excèdent ses avantages.

Une sixième source a toutefois expliqué que ce raisonnement pourrait évoluer si l'euro, qui s'est apprécié de 14% contre le dollar depuis mars dernier, poursuivait sa hausse.

Un porte-parole de la BCE s'est refusé à tout commentaire.

UNE EFFICACITÉ INCERTAINE ET PLUSIEURS INCONVÉNIENTS

La présidente de l'institution, Christine Lagarde, a réaffirmé la semaine dernière que le Conseil des gouverneurs n'excluait aucun instrument et les sources reconnaissent qu'une baisse de taux serait techniquement possible si les circonstances changeaient fondamentalement.

Une baisse de taux aurait en théorie pour effet de freiner les flux financiers vers la zone euro, l'une des causes de l'appréciation de la monnaie unique. Et un recul de celle-ci favoriserait les exportateurs des 19 face à leurs concurrents extérieurs à la région.

Mais réduire le taux de dépôt reviendrait aussi à pénaliser les banques, qui rémunèrent de fait la BCE sur les dépôts qu'elles effectuent auprès d'elles. La banque centrale pourrait donc devoir compenser cet effet indésirable en augmentant les exemptions accordées aux banques commerciales.

Une baisse serait sans doute sans effet marqué sur la demande de crédit, qui est davantage freinée pour l'instant par les craintes de défaut des ménages ou des entreprises que par le coût des intérêts.

En outre, si la BCE souhaitait réduire encore le coût des liquidités, il lui suffirait d'abaisser un peu plus le taux de ses opérations de refinancement à plus long terme ciblées (TLTRO), actuellement à -1% pour les banques qui ne réduisent pas leurs portefeuilles de prêts.

Enfin, la BCE considère que ses achats d'obligations et ses prêts aux banques restent ses moyens d'action prioritaires si elle juge qu'elle doit amplifier son soutien à l'économie.

"Il n'est pas nécessaire de réduire le taux aujourd'hui", a dit à Reuters cette semaine Martins Kazaks, le gouverneur de la banque centrale lettone. "Il y a d'autres instruments plus appropriés dans la situation actuelle."

Sur le marché des changes, l'euro s'est orienté à la hausse en réaction aux informations de Reuters, remontant à 1,2130 dollar contre moins de 1,2110 auparavant.

(Version française Marc Angrand, édité par Jean-Michel Bélot)

par Francesco Canepa, Balazs Koranyi et Frank Siebelt