par Anna Wlodarczak-Semczuk

VARSOVIE, 7 octobre (Reuters) - Le Tribunal constitutionnel polonais a jugé jeudi que certains articles de traités de l'Union européenne étaient contraires à la Constitution du pays, contestant un pan crucial de l'intégration au bloc communautaire et exacerbant le conflit entre les nationalistes au pouvoir à Varsovie et Bruxelles.

Varsovie et Bruxelles sont de longue date en conflit à propos de la réforme du système judiciaire polonais, que le parti Droit et Justice (PiS) décrit comme nécessaire pour rendre les tribunaux plus efficaces, mais dans laquelle ses détracteurs voient un frein à l'indépendance des juges.

A cela se sont ajoutés des différends politiques entre le PiS et Bruxelles sur la liberté de la presse et les droits de la communauté LGBT, sur fond de tentatives de Varsovie pour faire adopter par l'UE son plan de relance économique post-crise sanitaire. L'attribution des fonds européens dépend du respect de la règle de droit et des normes démocratiques de l'UE.

La décision du Tribunal constitutionnel fait suite à une saisine par le Premier ministre Mateusz Morawiecki, lequel avait demandé à la juridiction de se prononcer sur la légitimité des institutions de l'UE à empêcher la réforme du système judiciaire polonais.

A Bruxelles, la Commission européenne a déclaré que cette décision soulevait de "graves inquiétudes", rappelant dans un communiqué la primauté du droit européen sur le droit national et indiquant sa volonté d'utiliser toutes ses prérogatives pour "préserver l'application uniforme du droit européen et son intégrité".

Le juge Bartlomiej Sochanski a estimé que "dans le système juridique polonais, le traité de l'UE est subordonné à la Constitution (...) et, comme toute partie du système juridique polonais, il doit respecter la Constitution".

Jaroslaw Kaczynski, le chef de file du PiS, a déclaré que dans le pays "la plus haute loi est la Constitution, et toutes les normes européennes qui sont en vigueur en Pologne (...) doivent respecter la Constitution".

"Cela s'applique aussi au système judiciaire, et l'Union européenne n'a rien à y redire", a-t-il ajouté devant les journalistes.

VARSOVIE A "PERDU SA CRÉDIBILITÉ"

Aux yeux des détracteurs, remettre en question la supériorité du droit européen pourrait compromettre l'avenir de la Pologne au sein de l'UE, mais aussi, plus largement, la stabilité toute entière du bloc communautaire.

Le PiS rejette ces arguments et assure ne pas envisager de "Polexit", référence au Brexit. Il nie par ailleurs avoir une quelconque influence sur les décisions de justice.

Dans sa décision, le Tribunal constitutionnel a indiqué avoir le droit de vérifier la conformité des lois européennes à la Constitution, mais aussi la conformité des décisions de la Cour de justice de l'UE.

Un eurodéputé membre du Parti Populaire Européen (PPE) a déclaré avoir "des difficultés à croire les autorités polonaises et le PiS quand ils disent ne pas vouloir mettre fin à l'appartenance de la Pologne à l'UE".

"Le gouvernement polonais a perdu sa crédibilité. C'est une attaque contre l'UE toute entière", a ajouté Jeroen Lenaers dans un communiqué.

Bruxelles avait demandé à Varsovie de se conformer avant le 16 août, sous peine de sanctions financières, à une décision de la Cour de justice de l'UE ordonnant la suppression du système de sanctions disciplinaires contre les juges.

La plus haute juridiction de l'UE a estimé que le système instauré en Pologne n'était pas compatible avec la législation européenne. (Reportage Alan Charlish, Anna Wlodarczak-Semczuk et Pawel Florkiewicz, avec Jan Strupczewski à Bruxelles; version française Jean Terzian, édité par Sophie Louet et Nicolas Delame)