par Steve Holland et Miguel Gutierrez

PHILADELPHIE/MEXICO, 26 janvier (Reuters) - Le président mexicain, Enrique Peña Nieto, a annoncé jeudi qu'il n'irait pas à Washington pour rencontrer son homologue américain comme cela était prévu en début de semaine prochaine. Donald Trump lui avait auparavant conseillé sur Twitter de renoncer à ce déplacement s'il n'était pas prêt à financer son projet de mur frontalier.

La Maison blanche a déclaré jeudi qu'une taxe douanière de 20% sur les produits importés du Mexique pourrait être mise en place afin de financer la construction du mur frontalier, que Mexico refuse de payer.

On ignore en l'état comment cette taxe pourrait fonctionner. Certains pans de la proposition exposée par le porte-parole de la Maison blanche, Sean Spicer, rappellent une idée déjà dans l'air, appelée taxe d'ajustement frontalier, actuellement envisagée par la Chambre des représentants, à majorité républicaine.

"La politique actuelle de notre pays est de taxer les exportations et de laisser les importations entrer librement, ce qui est ridicule. En faisant ce que nous proposons, nous pouvons obtenir dix milliards de dollars par an et financer facilement le mur. Simplement par le biais de ce mécanisme", a dit Sean Spicer aux journalistes qui accompagnaient jeudi Donald Trump à Philadelphie, où les élus républicains du Congrès étaient réunis en séminaire.

Le président mexicain devait normalement rencontrer mardi Donald Trump à Washington.

"Nous avons informé ce matin la Maison blanche que je n'assisterai pas à la réunion de travail prévue mardi prochain avec le président des Etats-Unis", écrit Enrique Peña Nieto sur Twitter. "Le Mexique répète qu'il est prêt à coopérer avec les Etats-Unis pour parvenir à des accords profitables aux deux pays", ajoute-t-il.

Sean Spicer a proposé de reporter sa visite. "Nous allons chercher une date pour programmer quelque chose ultérieurement. Nous allons garder les lignes de communication ouvertes", a-t-il promis.

Avant de conseiller à Enrique Peña Nieto d'annuler sa visite, Donald Trump avait signé, mercredi, un décret autorisant la construction du mur, ce que le président mexicain a publiquement désapprouvé en répétant qu'il n'en paierait pas la facture.

PROVOCATION

"Si le Mexique n'est pas disposé à payer pour ce mur dont nous avons tant besoin, il serait préférable d'annuler la rencontre prévue", a écrit Donald Trump sur Twitter.

"Les Etats-Unis ont un déficit commercial de 60 milliards de dollars avec le Mexique", a-t-il souligné, laissant entendre qu'il était dans l'intérêt de Mexico de coopérer.

Le président a par la suite assuré que l'annulation de la visite avait été décidée en accord avec son homologue mexicain, mais a répété qu'il n'était pas question pour les contribuables américains de financer la construction du mur.

"Tant que le Mexique ne nous traite pas équitablement, avec respect, une telle rencontre est inutile", a-t-il ajouté, s'adressant à des élus républicains à Philadelphie.

La confirmation du projet de mur a été perçue comme une provocation, alors que Mexico, malmené par Donald Trump pendant la campagne présidentielle, s'efforçait d'entamer le dialogue avec la nouvelle administration américaine.

Dans la sphère politique comme sur les réseaux sociaux, les appels se multipliaient depuis mercredi pour que le président mexicain renonce à son déplacement.

Mercredi soir, son ministre des Affaires étrangères, Luis Videgaray, avait tenté de désamorcer la crise à son arrivée à Washington pour des discussions préparatoires. "La réunion entre les deux présidents à Washington mardi prochain est toujours d'actualité", avait-il assuré.

Son collègue des Finances, José Antonio Meade, a pour sa part estimé jeudi, après le tweet menaçant de Donald Trump, qu'une annulation entretiendrait l'incertitude sur l'avenir des relations bilatérales.

Donald Trump dit vouloir mettre fin à l'immigration clandestine et son homologue mexicain entend lutter contre le trafic d'armes en provenance des Etats-Unis, mais la question du mur et de son financement est devenue tellement politique qu'aucun des deux ne semble vouloir perdre la face.

Le président républicain du Sénat, Mitch McConnell, et son homologue de la Chambre des représentants, Paul Ryan, ont annoncé jeudi avoir pris les premières dispositions pour permettre la construction d'un mur estimé entre 12 et 15 milliards de dollars. (avec Anahi Rama et Dave Graham, Doina Chiacu et Susan Heavey à Washington; Jean-Philippe Lefief et Eric Faye pour le service français)