Patrimoine04/01/2022
Loi de finances pour 2022 : un millésime de transition ?

Si le début du quinquennat avait été marqué par une réforme significative de la fiscalité des ménages, et en particulier celle de l'épargne, force est de constater que cette fiscalité est restée stable depuis.

La dernière Loi de finances pour 2022, votée le 15 décembre dernier et publiée au Journal officiel le 31 décembre après que le Conseil Constitutionnel s'est prononcé et a sanctionné quelques « cavaliers budgétaires », ne comporte aucune nouvelle mesure de grande ampleur. Elle s'inscrit dans un double contexte, celui de la crise sanitaire actuelle et celui de l'échéance électorale du mois d'avril, peu propice à des réformes fiscales d'envergure. De nombreux sujets qui font débats ont été écartés par le Gouvernement, mais l'équation fiscale actuelle résistera-t-elle aux contraintes budgétaires et au vent de réforme qui souffle ? Cette loi de finances, dont nous vous proposons de commenter ici les principales mesures affectant les particuliers et les entrepreneurs, pourrait bien n'être qu'un millésime de transition.

Indexation sur l'inflation du barème de l'impôt sur le revenu

La Loi de finances revalorise, comme chaque année, les tranches du barème de l'impôt sur le revenu ainsi que les limites et seuils de réductions d'impôt lui étant associés par indexation sur la prévision d'évolution de l'indice des prix hors tabac de 2021 par rapport à 2020, soit 1,4 %. Cette revalorisation s'appliquera à l'impôt sur le revenu dû au titre de l'année 2021 et des années suivantes.

Les tranches de revenus des grilles de taux par défaut utilisées dans le cadre de Prélèvement à la source (taux neutre) sont également ajustées. Les taux par défaut s'appliquent en fonction de ces nouvelles limites aux revenus perçus ou réalisés à compter du 1er janvier 2022.

Sécurisation et application en temps réel du crédit d'impôt pour emploi d'un salarié à domicile

Les contribuables qui supportent des dépenses au titre de la rémunération de services à la personne rendus à leur résidence (ou sous conditions, à celle de leurs ascendants) bénéficient d'un crédit d'impôt égal à 50 % du montant des dépenses effectivement supportées, retenues dans une limite annuelle fixée à 12 000 € dans la généralité des cas.

À l'automne 2020, une décision du Conseil d'État avait créé l'émoi en excluant du dispositif du crédit d'impôt certaines prestations réalisées à l'extérieur du domicile, comme l'accompagnement des enfants sur le parcours entre l'école et le domicile, l'accompagnement des personnes âgées ou handicapées à leur domicile, alors même que la doctrine administrative admettait leur prise en compte, à condition qu'elles soient comprises dans un bouquet de services plus large, qui inclut aussi des prestations à domiciles.

La Loi de finances pour 2022 légalise la doctrine administrative ainsi annulée et précise que les services réalisés à l'extérieur du domicile du contribuable sont éligibles au crédit d'impôt, pourvu qu'ils soient compris dans une offre incluant un ensemble d'activités effectuées au domicile.

En pratique sont notamment concernés : l'accompagnement d'enfant (de plus de 3 ans), les prestations de conduite de véhicule de personnes âgées ou handicapées, l'accompagnement de personnes âgées ou handicapées dans leurs déplacements, la livraison de courses ou repas à domicile, la collecte et livraison à domicile de linge repassé, la téléassistance et la visio-assistance pour les personnes âgées ou handicapées.

Par ailleurs, la Loi de finances permet, à partir du 1er janvier 2022, aux particuliers employeurs qui déclarent un salarié à domicile via la plateforme Cesu + de bénéficier chaque mois du crédit d'impôt (alors que jusqu'à ce jour l'État rembourse aux ménages le crédit d'impôt avec une année de décalage. Néanmoins, elle reste techniquement complexe à mettre en place. C'est pourquoi, pour les particuliers qui passent par une entreprise prestataire ou par Pajemploi ou encore les personnes âgées ou handicapées percevant l'allocation personnalisée d'autonomie, elle n'entrera en vigueur que progressivement.

Gains de cession d'actifs numériques

Pour rappel, la Loi de finances pour 2019 a encadré les modalités d'imposition des gains de cession d'actifs numériques (CGI, art. 150 VH bis et 200 C).

Les plus-values réalisées à titre occasionnel par les personnes physiques lors d'une cession d'actifs numériques (notamment de cryptomonnaies, type bitcoins) sont soumises à une imposition forfaitaire unique de 12,8 % (à laquelle s'ajoutent les prélèvements sociaux de 17,2%, soit une imposition totale de 30 %), qui, bien que son taux soit identique, se distingue du Prélèvement Forfaitaire Unique (« flat tax »).

Ce régime d'imposition concerne exclusivement les personnes physiques qui réalisent des opérations à titre occasionnel dans le cadre de la gestion de leur patrimoine privé.

L'administration fiscale a précisé que les gains issus d'une activité d'achat-revente d'actifs numériques exercée à titre habituel (investisseurs professionnels) sont normalement imposables dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (BIC).

Précisons que pour distinguer les cessions des particuliers réalisées à titre occasionnel ou habituel, l'Administration s'appuie sur les critères de fréquence des opérations, caractérisant l'habitude et de montants des gains de cession, notamment par comparaison avec les revenus professionnels du contribuable. Cette distinction opérée par l'Administration était sujette à une appréciation très subjective propice à l'incertitude et au contentieux.

Pour remédier à cette incertitude, la Loi de finances pour 2022 prévoit qu'à compter du 1er janvier 2023, sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, « les produits des opérations d'achat, de vente et d'échange d'actifs numériques effectuées dans des conditions analogues à celles qui caractérisent une activité́ exercée par une personne se livrant à titre professionnel à ce type d'opérations ». Cette rédaction reprend celle retenue pour les produits des opérations de bourse.

En outre, la Loi de finances pour 2022 offre désormais aux contribuables, agissant dans le cadre de la gestion de leur patrimoine privé, la possibilité de soumettre, sur option, les gains qu'ils réalisent au barème progressif de l'impôt sur le revenu. Cette option ne sera cependant ouverte qu'à compter du 1er janvier 2023.

Mesures concernant l'investissement immobilier

Bonne nouvelle pour les investisseurs, certains dispositifs de défiscalisation sont prolongés par la Loi de finances pour 2022 : c'est le cas du dispositif Denormandie (qui offre, sous conditions, une réduction d'impôt sur le revenu pour l'achat d'un logement ancien loué après rénovation), prolongé jusqu'au 31 décembre 2023, et du dispositif de location meublée non professionnelle Censi Bouvard (qui offre, sous conditions, une réduction d'impôt pour l'achat d'un logement neuf au sein d'une résidence avec services pour séniors ou étudiants), prolongé jusqu'au 31 décembre 2022. Quant au dispositif Pinel (qui offre, sous conditions, une réduction d'impôt pour l'achat d'un logement neuf non meublé à loyers plafonnés), qui court jusqu'au 31 décembre 2024, les taux de réduction d'impôt vont diminuer à compter de 2023, sauf pour certains logements répondant à des critères stricts (nouveau dispositif surnommé «Super Pinel »).

Par ailleurs, la Loi de finances pour 2022 tente de relancer un dispositif, mal connu des bailleurs et ayant rencontré un succès mitigé, celui de la Loi Cosse (lancé en 2017), appelé également dispositif « Louer abordable ». Ce dernier s'adresse aux propriétaires d'un logement ancien nécessitant des travaux en les incitant à baisser leur loyer au niveau des plafonds du parc social (le propriétaire doit signer une convention avec l'Agence Nationale de l'Habitat), en échange d'un abattement dont le pourcentage varie en fonction de la décote appliquée au loyer et de la zone géographique où est situé le bien. La Loi de finances transforme le mécanisme d'abattement en mécanisme de réduction d'impôt, plus incitative, tout en prolongeant ce dispositif jusqu'au 31 décembre 2024. Par ailleurs, le zonage est supprimé, permettant ainsi de simplifier considérablement le dispositif. Enfin, à la sortie du dispositif, le bailleur pourra rehausser son loyer au niveau du marché du parc privé, ce qui lui était très difficile jusqu'alors.

Dernière ligne droite pour la suppression de la taxe d'habitation : la taxe d'habitation des 20% des ménages les plus aisés est encore réduite, après une première étape en 2021. Ces ménages bénéficient en 2022 d'une exonération de 65% de leur taxe. La taxe d'habitation sur les résidences principales sera supprimée pour tous les contribuables en 2023.

Réduction d'impôt pour les dons au profit de certains organismes

La Loi de finances pour 2022 proroge dans le temps la limite de réduction d'impôt, soit 1 000 €, pour les dons aux organismes d'aide aux personnes en difficulté (jusqu'à l'année de revenus 2023) et aux organismes d'aide aux victimes de violences domestiques (pour l'année de revenus 2022).

Mesures en faveur des entrepreneurs

Les entrepreneurs bénéficient de régimes fiscaux de faveur en matière de cession d'entreprise. La Loi de finances pour 2022 assouplit ces dispositifs :

- Cession d'entreprise lors d'un départ en retraite (art. 151 septies A du code général des impôts) : les plus-values de cession d'une PME relevant de l'impôt sur le revenu réalisées par un entrepreneur qui part à la retraite peuvent être exonérées sous certaines conditions, notamment que ce dernier fasse valoir ses droits à la retraite dans un délai de 2 ans précédant ou suivant la cession. Afin de tenir compte de la crise liée au COVID lorsque le cédant fait valoir ses droits à la retraite entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2021, le délai de 2 ans est porté à 3 ans.

- Abattement fixe de 500 000 € sur les gains de cession de titres réalisés par les dirigeants prenant leur retraite (art. 150-O D ter du code général des impôts) : entre autres conditions d'application de ce régime, comme pour le dispositif cité plus haut, le cédant doit cesser ses fonctions dans la société et faire valoir ses droits à la retraite dans les 2 ans suivant ou précédant la cession. Pour la même raison et selon les mêmes modalités que pour le dispositif visé ci-dessus, ce délai est porté à 3 ans.

- Exonération des plus-values professionnelles réalisées à l'occasion d'une transmission d'entreprise individuelle (art. 238 quindecies du code général des impôts) : jusque-là réservé aux entreprises d'une valeur inférieure à 500 000 €, ce dispositif est étendu aux transmissions d'entreprises ayant une valeur inférieure à 1 000 000 €, les seuils d'exonération étant appréciés selon des modalités modifiées.

Enfin, la Loi de finances dispose que les entrepreneurs individuels, qui bénéficieront d'un nouveau statut unique à la faveur du projet de loi en faveur de l'activité professionnelle indépendante qui sera présenté en première lecture à l'Assemblée nationale en début d'année 2022, pourront opter pour l'impôt sur les sociétés (par assimilation à une EURL).



David Tavernier
Ingénieur Patrimonial
ODDO BHF Banque Privée
Rédigé le 4 janvier 2022

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