Le ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg, avait annoncé auparavant aux salariés du site que le gouvernement était entré "en conflit" avec le sidérurgiste indien, qui refuse de redémarrer ces deux hauts fourneaux.

L'enjeu est de convaincre le président du groupe, Lakshmi Mittal, d'accepter la reprise de la phase à chaud de Florange - les hauts fourneaux et l'aciérie qui les accompagne.

Paris exige également qu'ArcelorMittal investisse 150 millions d'euros sur cinq ans dans la phase à froid de Florange, où s'opère la transformation de l'acier, afin de permettre cette reprise, a dit le ministre devant des syndicalistes mitigés.

Invité de l'émission "Des paroles et des actes" sur France 2, Jean-Marc Ayrault a confirmé que telle était la stratégie de son gouvernement. Mais prié de dire s'il pouvait garantir la survie des hauts fourneaux, il a répondu : "Ça, je ne peux pas le dire (...) parce que ça ne serait pas honnête."

"On va d'abord chercher un repreneur, ensuite on prendra nos responsabilités", a ajouté le Premier ministre, qui a souligné que ce type de problème ne se posait pas uniquement à Florange.

Pour faire face à ce type de situation, le président du groupe socialiste à l'Assemblée, Bruno Le Roux, a préparé en liaison avec le gouvernement une proposition de loi pour obliger toute société désireuse de se débarrasser d'une usine à chercher un repreneur plutôt que de fermer le site - une promesse faite par le président François Hollande pendant la campagne présidentielle.

"Le groupe socialiste va déposer la semaine prochaine ce texte et le gouvernement est prêt à l'inscrire à l'ordre du jour", a ajouté le Premier ministre.

"BRAS DE FER"

Arnaud Montebourg avait eu auparavant une réunion avec l'intersyndicale sur le site de Florange.

"Nous sommes maintenant engagés dans un conflit avec ArcelorMittal, nous y sommes côte-à-côte et ensemble", a-t-il dit à l'issue de cette rencontre. "C'est un bras de fer difficile qui s'engage avec une multinationale de l'acier."

Il a expliqué que les négociations avec Lakshmi Mittal, qui a rencontré jeudi François Hollande pour un tête-à-tête qualifié de "sérieux" par l'Elysée, avaient commencé le 30 août pour s'achever au cours des dernières heures et n'avaient pas permis d'infléchir la décision du sidérurgiste.

Les syndicats et le gouvernement espéraient que Lakshmi Mittal cède la phase à chaud pour un euro symbolique et accepte un délai de quelques mois avant la fermeture.

ArcelorMittal, qui a décidé de fermer un autre site européen, à Liège, en Belgique, dit vouloir réduire les surcapacités de production.

Jean-Marc Ayrault a estimé que la stratégie du groupe n'était pas claire. "Quelle est la stratégie de Mittal ? C'est de faire disparaître la fabrication d'acier en Europe pour développer ses activités en Asie ?" a-t-il demandé.

SITE VIABLE, SELON UN RAPPORT

Les deux fourneaux de Florange, à l'arrêt depuis juin et octobre 2011, emploient 550 des 2.800 salariés du site.

Alors que la barre des trois millions de chômeurs a été franchie en France métropolitaine pour la première fois depuis 1999, un comité central d'entreprise (CCE) a été convoqué pour lundi, avec à l'ordre du jour "la situation économique et industrielle d'ArcelorMittal Atlantique et Lorraine".

Les ouvriers de Florange se sont montrés déçus par les déclarations du ministre du Redressement productif.

Acclamé à son arrivée par quelque 500 sidérurgistes qui ont entonné la Marseillaise, Arnaud Montebourg a terminé son discours, une heure plus tard, sous les huées et les cris de "Le changement, c'est maintenant".

L'hypothèse d'une reprise partielle du site a été jugée "décevante" par la CFDT et inacceptable pour la CGT.

Les deux syndicats rappellent qu'un rapport commandé par le ministre concluait en juillet à la viabilité économique du site.

"Les propos du gouvernement sont inacceptables. Les propositions qui sont faites d'une reprise partielles sont indécentes", a déclaré Jean Mangin, responsable CGT. "Il ne faut pas dissocier le chaud du froid. Faut pas se leurrer, l'histoire du repreneur, tout ça c'est du bidon parce que d'ici quelques années, le froid, il sera condamné aussi."

VERS UN PLAN SOCIAL

Tout en exprimant le même sentiment, la CFDT, majoritaire à Florange et qui a largement influencé la stratégie suivie par l'intersyndicale depuis huit mois, n'a pas voulu fermer la porte à l'espoir d'une solution.

"C'est une très forte déception pour nous tous. Après 14 mois d'attente, après 14 mois de lutte, bien seuls, d'ailleurs, on était en droit d'espérer un autre message de la part du ministre", a dit Edouard Martin, délégué au comité de groupe européen et leader du mouvement.

"Ceci étant dit, on va rester les pieds sur terre. C'est très difficile de lutter tout seuls et c'est très difficile de lutter aussi peu nombreux", a-t-il ajouté en soulignant qu'une reprise des hauts fourneaux représenterait une "victoire".

Un syndicaliste de la CFE-CGC qui a souhaité rester anonyme, a fait part de son scepticisme sur une reprise partielle du site : "Après les hauts fourneaux, les laminoirs suivront. La sidérurgie lorraine, c'est fini. Maintenant, il faut tirer les marrons du feu et négocier un bon plan social."

Avec Emmanuel Jarry et Yann Le Guernigou à Paris, édité par Yves Clarisse et Patrick Vignal

par Gilbert Reilhac